Le Monde comme il va

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mercredi, août 31 2011

Quelques réflexions sur le travail (première partie)

''En août dernier, on m'a demandé d'intervenir sur la question de l'évolution du travail dans le cadre d'une grande fête aussi rurale que populaire en Loire-Atlantique, initiée par des militants paysans investis dans la solidarité internationale avec le Nicaragua depuis plus de 20 ans. La "commande " étant ambitieuse et dépassant largement mes compétences, j'ai fait le choix d'aborder cette question en privilégiant quelques axes de réflexion : la maîtrise du temps et des savoir-faire, la disciplinarisation de la classe ouvrière et le rapport individu/classe. Je me suis efforcé d'être le plus clair et synthétique possible, et d'éviter tout jargon (l'important étant d'être compris d'un public très divers, et non d'étaler sa science et de flatter son ego).
Bonne lecture !''
PS : les "habitués" de ce blog constateront certainement que certains "chapitres" sont issus de textes que j'avais écrits pour Le Monde comme il va, textes accessibles sur ce blog. En vous y reportant, vous pourrez y glaner quelques références bibliographiques.


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mardi, août 30 2011

Quelques réflexions sur le travail (deuxième partie)

Le taylorisme contre la flânerie ouvrière
Une fois le travailleur fixé dans une entreprise et mutilé de ses savoir-faire, il faut obtenir de lui le rendement maximum. Taylor fut l’un des premiers à penser scientifiquement le travail industriel. Il est né en 1856 en Pennsylvanie dans une famille puritaine qui exalte le labeur, la discipline et l’effort. C’est un élève doué, un sportif de bon niveau et un bricoleur de génie. Ne pouvant intégrer la prestigieuse université de Harvard, il travaille en usine, suit des cours du soir et devient avant ses 30 ans ingénieur en chef. De sa première expérience professionnelle (Midvale Steel Compagny), il garde une haine farouche contre ce qu’il considère comme la déviation majeure des travailleurs : le goût de la flânerie, tout ce temps qui ne sert pas à la production, tout ce temps réapproprié par l’ouvrier pour se reposer, causer et faire autre chose que ce pour quoi il est faiblement payé. Or le temps, c’est de l’argent. En 1890, il est embauché par la Bethlehem Steel Compagny, une entreprise sidérurgique qui cherche à rationaliser sa production, c’est-à-dire à maximiser ses profits. Trois ans plus tard, Taylor décide de consacrer toute son énergie à développer ses théories sur l’organisation du travail industriel. Les livres s’enchaînent, tout comme les conférences à travers le monde. Le « système Taylor » est né. On peut le résumer en quelques mots : division du travail en tâches simples et répétitives, individuellement optimisées, et paiement des employés selon leur rendement. Les patrons l’encensent, les syndicats conspuent cette organisation scientifique du travail qui transforme l’ouvrier en robot dénué de raison et d’initiative. Ce à quoi Taylor répondait que les ouvriers n’étaient pas à l’usine pour penser puisque d’autres étaient payés pour ça.

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lundi, mai 16 2011

Cou-coach panier !

Chronique n°22 (mai 2011)

En ces temps fort néolibéraux, nous sommes priés de considérer nos bras, nos jambes, notre corps, nos savoir-faire et notre intellect comme un capital à faire fructifier sur le marché de l'exploitation salariale. Il nous faut être réactif, compétitif, conquérant, polyvalent et souple de l'échine, car la courbe ascendante de son salaire a souvent un lien avec la courbe descendante exigée par le salut servile. Il nous faut consolider nos compétences, en acquérir de nouvelles, réaliser pleinement le potentiel qui est en nous, et oeuvrer évidemment à ce que nos performances ne passent pas inaperçues auprès de nos supérieurs et de nos inférieurs (oups, pardon ! Je voulais dire collaborateurs). Car il est un peu stupide de donner la pa-patte si l'on a pas l'espoir d'en retirer en retour un modeste su-sucre.

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jeudi, mars 10 2011

Forced ranking : la solution !

Chronique n°16 (mars 2011)

Nicolas Sarkozy aime les fonctionnaires. Cessez de rire, je vous prie, l'affaire est sérieuse. En mars 2010, à l'occasion d'une table ronde, il a déclaré : « On ne respecte pas assez votre compétence, on ignore les difficultés qui sont les vôtres. Soyez fiers d'être fonctionnaires. » Les mauvaises langues rappelleront que cette table ronde s'est déroulée dans l'Aisne, plus précisément à Laon, ville qui ne se dit pas comme elle s'écrit, et qu'il faut y voir certainement un message subliminal. Car, voyez-vous, le fonctionnaire est aussi lent que la bureaucratie est lourde, et les deux suscitent la haine et le ressentiment. D'autres mauvaises langues disserteront sur ce « on » indéfini : s'agit-il d'un exemplaire du vulgus pecum accoudé au zinc et dissertant sur le devenir du monde, d'un monde divisé en fainéants/profiteurs/étrangers d'un côté et travailleurs honnêtes et français de l'autre ? Mais si « on » est un con, comme le rappelle le bon sens populaire, Nicolas Sarkozy parlait-il tout simplement de lui ?

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lundi, décembre 6 2010

Misère du développement : l'Irlande

Chronique n°7 (décembre 2010)
Rappelez-vous. Nous sommes en 1958, et André Robert Raimbourg, alias Bourvil, nous offre une superbe Ballade irlandaise : « Un oranger sur le sol irlandais, on ne le verra jamais, un jour de neige embaumé de lilas, jamais on ne le verra. »
Ce faisant, Bourvil faisait preuve de bon sens populaire. Ce faisant, tout autant, Bourvil témoignait de son manque de foi dans la capacité du capitalisme à transformer radicalement le monde.

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jeudi, juin 17 2010

Coupe du monde : des anarchistes sud-africains s'expriment

Emission n°33 (juin 2010)

Pour le Front anarchiste-communiste Zabalaza sud-africain, il n’est pas question de participer à la liesse populaire provoquée par la Coupe du monde 2010. Dans un très long communiqué, il s’en prend au discours du gouvernement Zuma qui présente cet événement comme une opportunité unique pour l’Afrique du sud d’améliorer les conditions de vie de sa population. Pour les libertaires sud-africains, cette opportunité « été et continue d'être celle de la gloutonnerie frénétique de l'élite dirigeante sud-africaine comme du capital national ou global. »

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mardi, avril 27 2010

Ethanol, Brésil, football…

Emission n°27 (avril 2010)

Rappelez-vous. Il y a quatre ou cinq ans, alors que le prix du baril atteignait des sommets et que des experts annonçaient la fin programmée des réserves pétrolières à l’horizon 2040 ou 2050, des voix s’élevaient pour nous rappeler que la nature était bien faite, et qu’avec de la canne à sucre, on pouvait faire de l’éthanol !
L’éthanol, c’est la grande affaire du Brésil...

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mercredi, avril 7 2010

Le Monde vu par Jean-François Bayart

Emission n°24 (avril 2010)

Le politiste Jean-François Bayart est l'un des intellectuels français les plus brillants qu'il m'ait été donné de lire, et c'est en raison même de cela qu'il est fort discret dans les grands médias, du moins je le suppose. Flânant sur le Net, je suis tombé sur l'une de ses interview avec le journaliste Antoine Mercier, interview intitulé « L'Etat n'est pas la victime mais l'enfant de la globalisation ».

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mercredi, mars 17 2010

Capitalisme, changement de civilisation et violence

Emission n°23 (mars 2010)

Dans le hors-série n°84 du mensuel Alternatives Economiques consacré à l’état de l’économie en 2010, la rédaction s’est entretenue avec Pierre Radanne, consultant sur les questions énergétiques, ancien dirigeant de l’ADEME (Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie) et, tout récemment, lors du récent sommet de Copenhague, conseiller de la délégation de la brinquebalante République démocratique du Congo.

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mardi, mars 2 2010

Studs Terkel, Hard times – Histoires orales de la Grande Dépression

Emission n°21 (mars 2010)

Studs Terkel, Hard times – Histoires orales de la Grande Dépression, Ed. Amsterdam, 2009.

En 2008, un nonagénaire s'éteignait de l'autre côté de l'Atlantique. Il s'appelait Louis « Studs » Terkel. Journaliste et écrivain, politiquement ancré à gauche, Studs Terkel s'est fait connaître comme auteur de nombreux ouvrages d'histoires orales. Il a fallu attendre l'année suivant son décès pour qu'enfin le public francophone puisse avoir accès à ses oeuvres, et notamment à ce « Hard times – Histoire orales de la Grande Dépression », publié par les Editions Amsterdam.

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mardi, février 16 2010

La terre à ceux qui la… possèdent !

Emission n°19 (février 2010)
Si l'on en croît les démographes, la planète comptera 9 milliards d'habitants en 2050. 9 milliards d'habitants qu'il faudra bien nourrir, même mal. Les optimistes pourront se rassurer en apprenant que seuls 40% de la surface cultivable du globe sont cultivés. Mais voilà... L'idée qu'il y aurait un stock important de terres disponibles pour accroître la production est fausse voire dangereuse.

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mardi, janvier 26 2010

Derrière le séisme, la misère organisée

Emission n°16 (janvier 2010)
A la fin des années 1970, de nombreux états du globe sont exsangues et incapables de rembourser les dettes qu’ils ont contractés, mettant en danger l’équilibre bancaire mondial. On les a poussés sur la voie de la monoculture d'exportation ; le choc pétrolier et l'effondrement des cours des matières premières, cours qu'ils ne maîtrisent pas, ont fini par les achever. Pour les maintenir à l’intérieur du système financier international, les technocrates de la Banque mondiale et du FMI sortent alors une arme redoutable : le plan d'ajustement structurel (PAS).

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mardi, janvier 19 2010

Iles de misère

Emission n°15 (janvier 2010)

Dévastation : des dizaines de milliers de morts ; des centaines de milliers de blessés ; deux millions de sinistrés ; des maisons éventrées, écroulées, béantes ; la faim qui est là, les infections qui rôdent...
Haïti est une terre de souffrances et de misère. Haïti est une terre qui ne connaît pas de répit ; une terre qui ne connaît que l'acharnement du sort.

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mercredi, janvier 13 2010

Vladimir Pozner, Les Etats-Désunis

Emission n°14

Vladimir Pozner, Les Etats-Désunis, Lux, 2009.
En 1936, Vladimir Pozner, écrivain français d'origine russe, militant communiste, séjourne dans l'Amérique de la Grande Dépression. Deux ans plus tard, il en livre une chronique terrible et fascinante sous le titre Les Etats-Désunis ; livre réédité en 2009 par les éditions Lux. Terrible parce que L'Empire du Bien est alors en état de décomposition sociale avancée. Fascinante par le traitement littéraire choisi par l'auteur pour nous faire pénétrer cet univers américain : Pozner raconte, Pozner interviewe, Pozner assemble des petites annonces, des coupures de presse ; il assemble et colle, et son récit prend à la gorge et aux tripes.

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vendredi, novembre 20 2009

Luttes des classes dans la Chine des réformes (1978-2009)

Emission n°9 (novembre 2009)

Bruno Astarian
Luttes des classes dans la Chine des réformes (1978-2009), Acratie, 2009, 176p.

La Chine fascine, inquiète, dérange, interroge depuis qu'elle s'est « réveillée » et qu'elle inonde de ses produits bas-de-gamme les marchés du monde entier. Elle fascine, inquiète, dérange et interroge d'autant plus que ce développement capitaliste accéléré se fait toujours sous la bannière du « communisme », avec parti unique, grand'messes qui fleurent bon le culte de la personnalité et répression de ceux qui osent trop relever la tête. Le livre de Bruno Astarian, Luttes des classes dans la Chine des réformes (1978-2009), court et éclairant, est un outil précieux pour mieux comprendre ce qui se passe dans l'Empire du milieu.

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jeudi, novembre 12 2009

Le monde du travail aux Etats-Unis

Emission n°7 (novembre 2009)

Marianne Debouzy, Le monde du travail aux Etats-Unis : les temps difficiles (1980-2005), L'Harmattan, 2009.

Si vous faites appel à votre mémoire, vous vous souviendrez peut-être qu'en 1981, Ronald Reagan dissolvait le syndicat des aiguilleurs du ciel, provoquant le licenciement de plus de 11000 contrôleurs aériens alors en grève. Reagan inaugurait de la façon la plus brutale qui soit son premier mandat à la tête des Etats-Unis d'Amérique.

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Australie : le droit du travail, sauce social-démocrate

Emission n°7 (novembre 2009)

Il y a maintenant deux ans, au printemps 2007, j'avais consacré une émission du Monde comme il va à la réforme en 2005 du droit du travail australien (WorkChoices) menée tambour battant par le gouvernement libéral-conservateur de John Howard. Une réforme tellement dure qu'elle avait fait dire à la Confédération internationale des syndicats libres que le « gouvernement (australien) sembl(ait) vouloir ramener les relations industrielles à l’âge de la loi de la jungle qui régnait il y a un siècle ou même avant. »

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vendredi, novembre 6 2009

Tuer son patron...

Emission n°6 (novembre 2009)

En janvier 1886, du côté de Decazeville, un homme est mort. Son nom : Jules Watrin. Jules Watrin était un honnête homme qui avait le souci du bien commun. En d'autres termes, dans cette France de la Troisième République, Jules Watrin, ingénieur de son état et sous-directeur des mines de Poleyrets, avait décidé de garantir le taux de profit des actionnaires en plongeant un peu plus dans la misère les mineurs aveyronnais. Le système était parfait : on leur impose une baisse de salaire de 30% à 50% d'un côté ; on les assomme d'amendes de l'autre ; et, cerise sur le pain noir, on les oblige à se fournir en pain et viande auprès de l'économat de l'entreprise ce qui, il va sans dire, est une façon commode de reprendre d'une main ce que l'on a donné de l'autre. Watrin obéissait aux ordres avec le zèle et l'arrogance d'un galonné qui sait où est son intérêt.

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samedi, octobre 17 2009

Le problème, c'est le pauvre

Emission n°4 (octobre 2009)

Au 19e siècle, avec la révolution industrielle, la bourgeoisie fut confrontée à un fichu problème : comment faire pour sédentariser ce prolétariat tout neuf et si volatile ? Car voyez-vous, il fut un temps où le gueux avait tendance à disparaître des fabriques : il travaillait un temps puis ramassait son pécule et s’en retournait s’occuper de sa terre ; rétif à l’ordre usinier, il quittait sans crier gare son employeur la saison venue.

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lundi, octobre 12 2009

Courber l'échine

Emission n°2, 8 octobre 2009

Chaque matin, nous nous entassons les uns contre les autres qui, dans un bus, qui dans un tramway, pour rejoindre notre travail ; ce que les prolétaires de l'ancien temps appelaient « le chagrin ». On allait « au chagrin », on allait bosser pour engraisser le « taulier ». Chaque matin, nous nous côtoyons sans nous parler : les regards se perdent dans le vide, le silence règne. Les plus jeunes s'isolent, un walkman aux oreilles. D'autres tripotent leur téléphone portable, cette prothèse qui fait de nous des connected people. D'autres encore parcourent un livre ou l'un de ces journaux gratuits qui nous parlent du monde en quelques lignes insipides. On ne rit pas dans les transports en commun. On fait son trou, on se fait sa place, on s'y accroche et on patiente. Et bien souvent, on fuit le regard de l'autre, on fuit cette seconde si fugitive, cette possibilité d'échange, cet instant d'humanité.

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