Emission n°2, 8 octobre 2009

Chaque matin, nous nous entassons les uns contre les autres qui, dans un bus, qui dans un tramway, pour rejoindre notre travail ; ce que les prolétaires de l'ancien temps appelaient « le chagrin ». On allait « au chagrin », on allait bosser pour engraisser le « taulier ». Chaque matin, nous nous côtoyons sans nous parler : les regards se perdent dans le vide, le silence règne. Les plus jeunes s'isolent, un walkman aux oreilles. D'autres tripotent leur téléphone portable, cette prothèse qui fait de nous des connected people. D'autres encore parcourent un livre ou l'un de ces journaux gratuits qui nous parlent du monde en quelques lignes insipides. On ne rit pas dans les transports en commun. On fait son trou, on se fait sa place, on s'y accroche et on patiente. Et bien souvent, on fuit le regard de l'autre, on fuit cette seconde si fugitive, cette possibilité d'échange, cet instant d'humanité.