Le PAS a un objectif simple : le rétablissement des grands équilibres, c'est à dire le retour à la stabilité des prix, à la croissance, au plein-emploi et à l'équilibre des finances publiques et de la balance des paiements ; le tout bien sûr, sous la bannière étoilée du libéralisme moderne et du marché autorégulé. Mais ces PAS ne satisfont ni les populations précarisées, ni les classes moyennes, car ils entraînent une hausse du chômage : en effet, des entreprises, déficitaires et mal gérées, ferment ou sont restructurées/vendues après un gros dégraissage. Le secteur social et la fonction publique sont également dans l'oeil du viseur de la Banque mondiale car l'Etat doit réduire son train de vie !

La hausse des prix des denrées alimentaires de première nécessité a été une des premières conséquences des PAS. Comme les prix augmentent plus vite que les salaires, cela se traduit par une grave détérioration du pouvoir d'achat dans des pays où se nourrir est un combat quotidien ; d'autant plus que dans certains d'entre eux, comme la Guinée, certains produits de base étaient vendus à très bas prix, dans le cadre de carnet de ravitaillement géré par l'Etat. Les seuls qui s'en sont frotté les mains sont les gros commerçants et certains agents de l'Etat, les mieux à même d'organiser des pénuries et, au nom de la sacrosainte loi de l'offre et de la demande, d'augmenter les prix.

Chômage, baisse du niveau de vie, système éducatif et sanitaire dégradé... Tel est le bilan de décennies d'ajustement structurel dans nombre de pays d'Afrique et d'ailleurs, comme Haïti. La mendicité et la délinquance augmentent, les petits boulots également, et chaque jour, l'exode rural ramène de la campagne des hommes et des femmes en quête d'un hypothétique bien-être. Comme l'écrit Brian Concannon à propos des bidonvilles haïtiens, « les gens se trouvent là parce que leurs parents ou eux-mêmes ont été chassés de la campagne par des politiques conçues pour créer dans les villes un important réservoir de main d'oeuvre captive et donc exploitable. »

L'ajustement structurel est un rouleau compresseur : les pauvres sont plus pauvres encore, les fonctionnaires se précarisent (et avec eux, tous ceux qui vivaient de leur traitement). Et la nomenklatura ? Elle qui utilisait sa place dans l'appareil d'Etat pour s'accaparer des secteurs économiques importants en son nom propre ou par l'intermédiaire de son réseau de parenté ou le truchement de ses clients, elle qui avait en quelque sorte privatisé l'Etat, prélevait, ponctionnait sans investir... Elle se porte bien ! Les PAS n'ont pas mis à bas cette économie de rente et de prédation ; bien au contraire, les mesures de privatisation d'entreprises publiques ont permis à certains de consolider leur fortune.

Les paysans, qui sont censés être les principaux bénéficiaires du PAS, sont plus que jamais au fond du trou. D'un côté, on parle de relance de l'activité agricole pour arriver à l'auto-suffisance alimentaire, de l'autre, on fait des coupes sombres dans les budgets annuels et on libéralise le marché. Lorsque cela se conjugue avec la sécheresse et la chute des cours des produits d'exportation, c'est la disette qui pointe son nez. Il leur faudrait investir pour augmenter les rendements, mais PAS oblige, les subventions accordées par l'Etat pour l'achat de semences sélectionnées et d'engrais ont été soit supprimées, soit fortement réduites. Alors, pour faire la soudure, ils s'endettent auprès de commerçants qui, le risque étant grand de ne pas être remboursé, pratiquent des taux d'intérêt exorbitants. Bilan du PAS ? L'immense majorité des paysans demeure dans la misère la plus noire.

En fait, ces plans d'ajustement structurel cultivent les contradictions : il souhaite le plein-emploi et organise la mise au chômage de milliers de gens ; il veut la stabilité des prix mais, en supprimant les subventions aux denrées de première nécessité, il pousse à la spéculation ; il parle de croissance économique et met à mort l'agriculture ; il parle de réduction du déficit budgétaire, mais les dépenses de souveraineté demeurent intouchables. Alors, si les PAS sont jugés positifs dans certains pays et si leurs présidents sont jugés bons élèves, ce n'est certes pas au regard des résultats sociaux obtenus. Ce qui compte avant tout, pour le FMI et la Banque mondiale, c'est, au nom de la bonne gouvernance et du néolibéralisme, de liquider tout ce qui peut entraver le libre développement du monde capitaliste marchand. Il ne liquide pas l'interventionnisme économique des Etats, il le reconfigure. L'Etat ne se retire pas du marché, il se met à son service.

Barack Obama a affirmé que les Etats-Unis resteraient à Haïti pendant longtemps. Les optimistes y verront là le souci d'un grand pays d'aider sur la longue durée un petit pays démuni et exsangue. Les pessimistes se souviendront qu'au royaume de l'aide internationale, rien ne se fait gratuitement.