Le Monde comme il va

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samedi, décembre 5 2020

Inde : la caste n'est pas la classe

En septembre 2020, un fait divers sordide a bouleversé la société indienne. Manisha Valmiki, une jeune fille, a été agressée, violée et tuée par quatre hommes. Elle était pauvre et Dalit, autrement dit c’était une intouchable. Eux appartenaient à une haute caste. Mais au-delà du crime odieux, c’est la façon dont les autorités ont agi qui a mis le feu aux poudres.

En France, ce sont les images qui permettent bien souvent de prouver que des policiers ont fait un usage non légitime de la force, puisque sans images, c’est leur parole qui fait foi. En Inde, c’est l’enregistrement d’une conversation entre la famille de la victime et un magistrat local qui a provoqué un tollé, puisque ce dernier insistait très fortement pour que la famille abandonne les poursuites pour viol et actes de barbarie.
Dans cette histoire, on pourrait y voir une nouvelle manifestation de la justice de classe, de l’éternel combat entre pauvres et bourgeois, pourtant citoyens égaux au regard de la loi indienne. Mais la caste, ce n’est pas la classe. D’une classe, on en sort, d’une caste, on ne peut pas.

Le capitalisme est passé par là, tout comme la civilisation urbaine et le brassage social qu’elle permet. Dans l’Inde contemporaine, insérée dans l’économie-monde capitaliste, dans cette Inde de tous les contrastes, on peut croiser des Dalit riches et des Brahmanes mendiants.
La caste fait partie de la sphère du religieux. Dans l’hindouisme, il y a les purs et les impurs, les Brahmanes d’un côté et les Intouchables de l’autre. Des Intouchables qui sont si bas dans l’échelle de la dignité qu’ils ne forment même pas une caste à proprement parler : ils sont dits « hors-castes ». Et entre ces deux pôles, on trouve une multitude de sous-castes et sous-sous castes.

On ne choisit pas sa caste, on naît dedans, par hérédité. L’hindouisme sanctifie la stratification sociale, occultant ainsi la véritable nature des rapports sociaux qui sont des rapports de classe. Le mérite ne peut corriger cette condamnation à vie : quoi qu’on fasse, on ne quitte pas sa caste, à moins de se faire bouddhiste, car musulmans, siks et chrétiens ont singé le système hiérarchique hindouiste. Le Dalit n’a donc pas de confession attitrée.
Le rapport des Indiens à la caste est toujours ambivalent. Il est stigmate et opportunité. Stigmate parce qu’il attribue un degré de pureté à chaque individu et que cela a des conséquences sur les relations sociales. Opportunité car lorsque des dispositifs de discrimination positive furent mis en place par la République indienne afin de faciliter la mobilité sociale des classes les plus défavorisées (en les faisant entrer dans la fonction publique par exemple), on vit alors nombre d’Indiens se revendiquer d’une plus basse caste pour pouvoir en bénéficier. Quant aux politiciens, issus essentiellement des hautes castes, ils ont compris l’intérêt de s’adresser aux basses castes et aux dalits puisqu’ils forment une partie importante du corps électoral.

Dans le mouvement nationaliste indien, le Mahatma Gandhi, dont beaucoup ici honorent l’ascétisme, le goût pour la non-violence et la désobéissance civile était opposé à une suppression des castes. Au nom de l’union dans la diversité et de la démocratie, tout Indien devait appartenir à une caste, mais aucune caste ne devait se sentir supérieure ou inférieure aux autres. Gandhi avait en horreur le concept d’intouchabilité qui pour lui était une corruption de l’hindouisme : il revenait à chaque Indien d’atteindre la pureté par l’action et la piété. Mais il considérait que l’abolition des castes entraînerait le chaos puisqu’elles formaient le socle sur lequel s’était construite la société indienne depuis la nuit des temps. A l’inverse le Docteur Ambedkar, un intouchable devenu avocat, insistait pour en finir avec les castes. Ambedkar disait qu’il ne fallait pas se focaliser sur la caste, prise isolément, mais sur le système qui lui donnait sens : une caste ne se comprend pas seule, elle n’a de sens qu’une fois encastrée dans un ensemble formant une chaîne d’inégalité ; une chaîne d’inégalité si graduée qu’elle empêchait les dominés de faire classe.

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De ce combat, Gandhi est sorti vainqueur : la Constitution de 1950 a aboli l’intouchabilité, principe religieux, au nom de l’égalité de toutes et tous, mais pas les castes ; cependant Ambedkar, qui joua un rôle majeur dans la rédaction de la constitution, ne perdit pas tout : sous son impulsion, les Intouchables d’hier devinrent les Dalits, autrement dit des opprimés. D’une dénomination à caractère religieux, on est passé à une dénomination économique, politique et sociale. Mais dans l’Inde d’aujourd’hui, la stigmatisation du Dalit comme être impur et quantité négligeable n’a pas disparu. « Chaque génération nouvelle, disait un vieux barbu du siècle dernier, trouve à son berceau tout un monde d’idées, d’imaginations et de sentiments qu’elle reçoit comme un héritage des siècles passés (…) L’homme ne crée pas la société, il y naît. Il n’y naît pas libre, mais enchaîné. » Manisha Valmiki, parce que femme et Dalit, l’a appris à ses dépens.

Sources : Christophe Jaffrelot, Dr Ambedkar. Leader intouchable et père de la Constitution indienne, Presses de Science Po, 2000 ; Christophe Jaffrelot (sldd), L'Inde contemporaine de 1950 à nos jours, Fayard, 1997.

dimanche, octobre 4 2020

Container versus Liberté

Nous étions en plein été et France 3 Grand-Ouest consacrait un reportage à un jeune couple mayennais ou sarthois. Pourquoi ? Parce que celui-ci accédait à la propriété. Comme tant d’autres me direz-vous, certes, mais ces deux jeunes avaient décidé de bâtir leur résidence en transformant une poignée de containers en autant de pièces à vivre. L’intérêt économique était évident : le container, c’est moins cher !, mais il y avait également la certitude de disposer à l’issue des travaux d’un logement assurément atypique, original : bref, une sacrée plus-value esthétique !
C’est d’ailleurs ce que lui fit remarquer le journaliste. N’étaient-ils pas émus à l’idée de passer des années dans des containers ayant fait plusieurs fois le tour du monde ? Et le propriétaire concéda que oui, il y avait un petit goût de liberté qui se nichait entre ces parois métalliques.

Parce que j’ai mauvais esprit, je l’avoue, j’ai trouvé singulier d’associer container et liberté, à moins bien sûr de réduire cette dernière à sa seule dimension mercantile.
En effet, le container, the box en angliche, a une histoire édifiante que le journaliste et économiste Marc Levinson à raconter en son temps1. Si le container a une centaine d’années, ce sont les années 1960 qui l’ont mis sur le devant de la scène, et un entrepreneur audacieux, Malcolm McLean, transporteur routier à la tête d’une conséquente flottille de camions. McLean était audacieux et parfois assez peu scrupuleux, s’inscrivant ainsi dans la grande tradition des businessmen américains2. Il parvînt à convaincre le gouvernement américain de l’intérêt financier qu’il aurait à réorganiser sa façon de concevoir le ravitaillement des troupes engagées dans le conflit vietnamien. Transporter plus, à moindre coût : voilà ce que le fret par conteneurs pouvait offrir à la nation en guerre contre l'expansionnisme. Le gouvernement fut conquis et c’est ce qui fît la fortune de McLean car sa société a très largement profité des largesses du gouvernement américain.

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The box a changé la face de l’économie mondiale, car ce qui coûte cher à un armateur, ce n’est pas le temps passé sur l’eau par sa flotte, mais le temps passé à terre. Avec le container, le docker devient quasiment obsolète et le temps de manutention réduit au maximum : gains de temps et de main-d’œuvre signifient maximisation des profits. L’arrivée du container signe également l’arrêt de mort de tous les ports incapables de s’adapter ou dans l’impossibilité d’accueillir les mastodontes des mers. A Londres, la moitié des 150 quais exploités en 1967 fermèrent leurs portes en moins de quatre ans. Beaucoup de ports sont morts en une poignée d’années et des grands centres maritimes se sont constitués sur leurs décombres.

Evidemment, au début des années 1970, tout le monde s'empressa de moderniser leur flotte. Des centaines de porte-containers performants, autrement dit rapides, furent construits, donnant l’assurance au client que sa marchandise serait transportée vite et bien, et pour un coût modique. La crise pétrolière de 1973-1974 liquida une bonne partie de cette flotte rapide, certes, mais peu économe en carburant. Du coup, on se mit à construire des porte-containers moins rapides mais plus sobres. Problème : quand le prix du baril s’effondra dans les années 1980, ces mastodontes imposants cessèrent d’être attractifs. Fin 1986, McLean l’audacieux fit faillite… Pas de mondialisation capitaliste heureuse, sans containers globe-trotters ! Aujourd’hui, des porte-conteneurs gigantesques sillonnent les mers avec à leur bord non pas en majorité des produits finis, comme on l’imagine, mais des composants industriels permettant la production de marchandises, dont beaucoup sont, vous vous en doutez, indispensables à notre bonheur. Le container est donc au cœur de la machine industrielle capitaliste qui fait de la gestion des stocks un élément-clé de la compétitivité, car qui diminue ses stocks, diminue ses frais immobiliers etc., et donc accroît ses marges bénéficiaires.
Tout cela donne, vous en conviendrez, un goût particulier à la liberté, quand bien même on habite en Sarthe ou en Mayenne…

Note :
1. Marc Levinson, The box - Comment le conteneur a changé le monde, Max Milo, 2011.
2. Cf. Marianne Debouzy, Le capitalisme « sauvage » aux Etats-Unis (1860-1900), Seuil, 1972.

mercredi, juillet 6 2016

Laurent Berger : une certaine conception du syndicalisme

Nouvelle donne, vieilles rengaines n°18 (juin 2016)

J'aimerais vous faire part de quelques-unes de mes réflexions à la lecture d'une interview de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, donnée au JDD il y a une dizaine de jours. Après avoir signifié son désarroi devant la crise traversée par le dialogue social en France, critiqué les maladresses du gouvernement et les postures des uns et des autres, Laurent Berger est appelé par le journaliste à répondre à la question qui est dans toutes les têtes : « comment en sortir ? » A cette question-là, Laurent Berger ne répond pas franchement mais il a une phrase qui en dit long sur sa vision du syndicalisme contemporain. Je le cite : « Je constate que les blocages viennent de salariés et d'agents qui ne sont pas concernés par le projet de loi. »

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mardi, mai 24 2016

Répression des manifestations

Nouvelle donne, vieilles rengaines n°16 (mai 2016)

Pauvre Hollande, pauvre Valls, pauvre Cazeneuve, et par conséquence, pauvres de nous. Les jours passent et ils creusent, creusent, creusent. A la vitesse où ils vont, ils sont capables de toucher le fond avant l'été. Droits dans leurs bottes, ils nous promettent l'ordre, la sécurité et le progrès social avec CRS, CFDT et 49,3. Comme Hollande l'a déclaré récemment : « Trop de gouvernement ont cédé, d'où l'état du pays que j'ai trouvé en 2012, pour que moi-même, dans des circonstances pas faciles, je cède dès lors qu'un compromis a été trouvé. »

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lundi, mai 9 2016

Violence des uns, violence des autres

Nouvelle donne, vieilles rengaines n°15 (mai 2016)

Depuis plusieurs années maintenant, il n'est pas rare que des manifestations dégénèrent à Nantes, Rennes, Paris ou ailleurs.
Pour certains, ces violences, ces atteintes aux biens publics ou privés et aux personnes assermentées (les forces de l'ordre) sont inacceptables et à condamner. Ils considèrent que dans la société démocratique, même imparfaite dans laquelle nous vivons, la défense des intérêts particuliers ou de l'idée qu'on se fait de l'intérêt général doit rester dans le cadre de la légalité, doit se faire dans le respect des lois. Ce point de vue moral ou éthique, respectable en lui-même, je ne le partage pas ; ce qui ne veut pas dire que j'applaudis à chaque fois qu'un malheureux abribus, que les vitres d'un commerce quelconque subit la colère des manifestants ; j'y reviendrai.

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lundi, mars 14 2016

Flint a du plomb dans l'aile

Nouvelle donne, vieilles rengaines n°11 (mars 2016)

Connaissez-vous Flint ? Flint, grande cité industrielle du Michigan, fief de la General Motors, ville de naissance du célèbre documentariste-militant Michael Moore.

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lundi, février 22 2016

Voter !

Nouvelle donne, vieilles rengaines n°10 (février 2016)

Avant pour enterrer un problème, disait cette vieille baderne de Georges Clemenceau, on créait une commission. Aujourd'hui, du côté de l'Elysée et Matignon, on promet des votations.

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lundi, janvier 25 2016

Indépendance de la justice (encore !)

Nouvelle donne, vieilles rengaines n°8 (janvier 2008)

Le 12 janvier dernier, le tribunal correctionnel d'Amiens a condamné à de lourdes peines huit salariés de Goodyear qui avait séquestré deux cadres supérieurs de leur entreprise en passe d'être liquidée par son principal donner d'ordre, une multinationale américaine du nom de Titan. Deux jours de séquestration, sans violence physique, sans chemise arrachée. Goodyear n'avait d'ailleurs pas porté plainte dans un souci d'apaisement au moment de signer l'accord de fin de conflit.

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mercredi, janvier 13 2016

A votre santé

Nouvelle donne, vieilles rengaines n°7 (janvier 2016)

« Il est plus facile de faire entrer son fils (dans la prestigieuse université de) Eton que d'obtenir un rendez-vous avec son médecin ». Celui qui s'exprime ainsi n'est pas un gauchiste, un keynésien fou ou un je-ne-sais-quoi mais Simon Heffer, journaliste au Daily telegraph, très sérieux journal conservateur au pays de sa très Gracieuse. Dans un article paru en novembre dernier, Simon Heffer dresse un tableau effrayant du NHS, Le National Health Service, autrement dit le système de santé public.

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Pauvreté, non ! Inégalités, oui

Nouvelle donne, vieilles rengaines n°7 (Alternantes FM)

A chaque début d'année, c'est comme ça, on se met à prendre de bonnes résolutions : arrêter de fumer, de trop boire, de regarder la télé ou de fredonner des chansons de Michel Delpech. Et on les note pieusement sur un bout de papier, histoire de pouvoir les réitérer le 31 décembre suivant. La Communauté internationale fonctionne comme le plus humble bipède : elle fait des promesses qu'elle ne tiendra pas mais qui réchauffent le coeur. Elle sait que nous ne pouvons pas vivre sans espoirs et sans leurres.

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lundi, novembre 23 2015

Le mur comme politique

Nouvelle donne, vieilles rengaines (émission n°4, novembre 2015)

Des murs, encore des murs, rien que des murs. Il semble que la seule réponse possible aux périls contemporains consiste en l'érection de murs de parpaings, de béton ou de barbelés. Des murs pour se protéger de la masse des gueux. Des murs pour se préserver de la misère et de la violence qu'ils portent sur eux. Des murs pour vivre à l'écart des tourments du monde dans l'espoir, si vain, de ne pas être emportés un jour par ces mêmes tourments.

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lundi, octobre 26 2015

Violence ouvrière (qu'ils disent)

Nouvelle donne, vieilles rengaines (2e émission, octobre 2015)


L'image a fait le tour du monde libre, provoqué moults commentaires et noirci beaucoup de papier : des salariés en colère rassemblés en meute ont malmené deux cadres supérieurs en vociférant. On se serait cru à Decazeville en 1886 lorsque des mineurs en colère rassemblés en meute avaient malmené le directeur, le dénommé Watrin. Watrin n'en avait pas perdu la chemise, mais tout bonnement la vie puisque les prolétaires aveyronnais l'avait défenestré et lynché. Watrin accablait d'amendes les mineurs histoire de rabioter leurs salaires et de gonfler les bénéfices de la compagnie ; et les siennes en passant car toute peine, même la plus dégueulasse, mérite salaire. Watrin était un affameur, un point c'est tout.

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lundi, octobre 12 2015

Humanité et fermeté

Nouvelle donne, vieilles rengaines n°1 (12 octobre)

Humanité et fermeté. Telles furent les mots employés par Manuel Valls et Bernard Cazeneuve à propos de l’actuelle « crise des migrants ».
Humanité et fermeté. Ces mots m’ont ramené 25 ans en arrière quand je militais ardemment au GASPROM, une association de solidarité avec les travailleurs immigrés nantaise. Je m’étais spécialisé dans les questions ayant trait au droit d’asile, notamment à sa défense car voyez-vous, ce droit d’asile subissait alors un cure d’amaigrissement drastique de la part des gouvernements de droite et de gauche qui se succédaient.

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dimanche, juin 7 2015

Ca se passe comme ça, à Pôle emploi

Chronique (juin 2015)

Nous sommes un mardi du mois de mai, dans la salle d'une antenne Pôle Emploi de Loire-Atlantique. Une vingtaine de personnes patiente en attendant que la conseillère ne prenne la parole. Il y a là des vieux et des jeunes, des hommes et des femmes, des abonnés de la précarité salariale, ceux qui alternent CDD et chômage en attendant mieux ou moins pire, question de point de vue.

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vendredi, mai 22 2015

Rebsamen : en Pôle pour l'emploi !

Chronique (mai 2015)

Sauvé, on est sauvé ! Le Parti socialiste a trouvé la solution pour lutter contre le chômage. Une vraie solution, pas un truc hurluberlu du style partage du temps d'exploitation, loi anti-licenciements de convenance, loi contre les délocalisations. Les trucs hurluberlus, y'en a marre : ça crée pas de l'emploi, ça angoisse le patronat et ça le fait bouder.

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lundi, décembre 8 2014

Travailleur social ou gestionnaire de flux ?

Chronique (décembre 2014)

Au milieu du 19e siècle, à la montée du paupérisme, de cette misère extrême frappant les classes populaires, la bourgeoisie opposait la charité chrétienne, cette empathie des bien lotis pour les malheureux méritants.
A la fin du 19e siècle, la bourgeoisie éclairé comprit enfin qu'elle devait faire prendre en charge par l’État ceux qui trouvaient difficilement leur place au banquet du monde. Certes, des libéraux très ultra fustigèrent aussitôt un Etat envahissant et trop compatissant, refusant de voir émerger une fiscalité inévitablement inquisitoriale et confiscatoire mais leurs voix furent de peu de poids face aux risques que leur cynisme et insensibilité faisaient courir au capitalisme. Car c'est bien la peur du « rouge », de la Révolution, de la subversion qui poussa nombre d’États à soulager les maux provoqués par le capitalisme lui-même.

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lundi, décembre 1 2014

Des poireaux, des moutons et la « patent box »

Chronique (décembre 2014)


Depuis des siècles et des siècles, des hommes s'évertuent à faire de l'argent avec de l'argent. Pour cela, il faut faire travailler sa cogiteuse. Soyons honnêtes, disons-le franchement : il faut également des amis ; des amis haut placés, le genre qui détient les rênes du pouvoir, pose son séant sur les bancs des assemblées et qui, au nom de la compétitivité, de la croissance, de la liberté d'entreprendre ou de je ne sais quoi d'autre est capable de faire de votre intérêt particulier l'intérêt général. Faut savoir sous-traiter de temps en temps.

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lundi, octobre 27 2014

Rana Plaza, un an après

Chronique octobre 2014 (Patsy et Fabrice)

Au milieu du 19e siècle, afin de préserver les bonnes mœurs et la moralité publique, quelques patrons très pieux eurent l'idée de créer des usines-couvents. Une usine-couvent était un lieu clos, dépourvu de recoins sombres, et géré de façon toute militaire afin d'éviter que la main d'oeuvre féminine n'ait à subir les assauts des mâles, de bon gré parfois ou de mauvais gré souvent, car certains profitaient de leur statut pour s'arroger un droit de cuissage. D'autres patrons créèrent des usines-internats destinées aux jeunes filles dont les parents désiraient qu'on préserve la vertu. Entre l'atelier, le dortoir collectif et la salle de prière, leur hymen était à coup sûr bien gardé ! Le contrôle social au service de la productivité : on n'a rien trouvé de mieux !

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lundi, octobre 20 2014

Gary Becker is dead

Chronique (octobre 2014)

Gary Becker est mort. C'était en mai dernier et bêtement, cette information m'était sortie de la tête. Gary Becker est mort et cela ne me fait ni chaud ni froid. Et c'est peut-être également votre cas : car qui connaît Gary Becker ? Pas grand monde, hormis les économistes, les sociologues et les pauvres.
Les économistes, parce que Gary Becker était un membre de leur communauté. Les sociologues, parce que l'économie de Gary Becker avait la volonté d'expliquer tous nos comportements sociaux. Les pauvres, parce que Gary Becker s'essuyait dessus avec allégresse. Je corrige : les pauvres ne connaissaient pas Gary Becker mais vivaient au quotidien la traduction concrète de ses idées.

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mardi, septembre 30 2014

Du gueux à moudre

Chronique (septembre 2014)

Avec un taux de chômage supérieur à 10 %, une croissance en berne et un moral dans les chaussettes, la patrie des droits de l'Homme et du citoyen va mal, très mal. Les recettes des politiciens ne fonctionnent pas. Normal, les politiciens ne se mettent point les mains dans le cambouis. Ils pérorent, échafaudent des plans, ménagent la chèvre et le chou alors qu'il leur faudrait, au contraire, prendre des décisions fortes, radicales. En revanche, les patrons, ces conquérants du monde moderne, ces aigles que l'on prend trop souvent pour des pigeons, savent ce qui leur faut pour remettre de la croissance dans l'atonie, du bonheur sur les visages et de la sueur sur les fronts. Car c'est dans l'effort que la Nation trouve un supplément d'âme. C'est dans l'effort qu'elle se forgera un destin à la hauteur de son passé. Oui, je sais, j'en fais trop, mais j'essaie de mettre du Malraux dans le Gattaz afin de captiver votre attention.

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