Il y constate le recrutement d'infirmières étrangères pour résoudre les problèmes d'effectif, et il en va de même avec les médecins. Le matériel ? Vieillot, brinquebalant et non réparé faute de moyens. Les normes de sécurité ? Trois hôpitaux sur quatre ne les respectent pas. Autre problème, nombre de lits sont occupés par des personnes âgées grabataires parce qu'elles n'ont pas les moyens d'intégrer des maisons de retraite médicalisées ; et vu l'allongement de la durée de la vie, « un sort misérable attend ceux qui ne sont pas préparés à une longue vieillesse. »

Simon Heffer est catégorique : « le (système de santé public) est au bout du rouleau (…) seules des réformes fondamentales préserveront ses chances de survie. »
Simon Heffer n'est évidemment pas le premier à condamner l'état de déliquescence des hôpitaux publics britanniques. Mais dans les causes d'une telle situation, il prend soin de ne pas rappeler aux lecteurs que c'est au non de la saine gestion, de la bonne gouvernance et du marché libre, qu'à la fin des années 1970, les gouvernements conservateurs britanniques ont commencé à démanteler le système de santé publique et à transférer au privé certaines de ses missions. Mais s'ils y sont parvenus, c'est parce que les partis de droite ont gagné la bataille idéologique et sont parvenus à convaincre suffisamment d'électeurs que « le secteur public est bureaucratique et inefficient ; le secteur privé est efficace et rentable ; l'efficacité est inextricablement liée à la concurrence et aux forces du marché ; la culture de la dépendance conduit à multiplier les sollicitations vis-à-vis de l’État (…) formant un puits sans fond ; (et que) nous aurions plus de liberté si l'on restituait )à chacun son argent et qu'on lui laissait le choix de la forme et du niveau de soins qu'il désire. » (Stuart hall, Le populisme autoritaire – Puissance de la droite et impuissance de la gauche au temps du thatchérisme et du blairisme, Ed. Amsterdam, 2008).

Faire de la santé publique un business rentable et non un gouffre financier : tel était le but affiché de cette opération de passe-passe, de cette lente mise à mort d'un des piliers de l’État-providence outre-Manche. On connaît le résultat. Le journaliste nantais Nicolas de la Casinière écrit ceci dans son dernier livre sur les partenariats public-privé : « Un trust exploite l'hôpital de Stafford comme une entreprise. Sa croisade est faite d'objectifs financiers, de dépenses à réduire pour comprimer le coût de prise en charge du patient. On supprime les médicaments contre la douleur, jusqu'au simple Paracétamol. Faute d'assistance et de personnel, certains patients se sont pas lavés durant des semaines, d'autres marinent dans leurs excréments des heures durant ; les familles doivent nettoyer elles-mêmes les toilettes. »
Et en France me direz-vous ? Nous sommes sur la même pente mais pas encore tombés aussi bas : manque crucial d'effectifs, culture de la rentabilité (la fameuse tarification à l'acte)… les maux sont les mêmes parce que les logiques qui sous-tendent la réforme de l'hôpital public français sont les mêmes qui ont cours par-delà le Channel.

L'hôpital public est en crise, il faut le sauver ! Comment ? Vaste question ! Simon Heffer, en bon conservateur et libéral, a la solution : réserver le système public de santé aux maladies et blessures graves ; pour les pathologies moins importantes, faire que les citoyens dégottent l'assurance privée adéquate. Allélouia ! Le refrain est connu : si on noie son chien, c'est pour mieux l'hydrater.