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Comme la Pologne, l'Ukraine fut longtemps victime des appétits insatiables des grandes puissances, qu'elles se nomment Empire austro-hongrois, Empire allemand, Russie tsariste ou Union soviétique. Côté russe, on a toujours considéré que l'Ukraine faisait partie de son arrière-cour, que son sol et son sous-sol était indispensable au développement économique national, et que géostratégiquement, l'Ukraine était un pays slave pouvant s'intégrer à un ensemble slave, aux côtés de la Biélorussie et de la Fédération de Russie. Du côté des Etats-Unis, on n'a jamais caché sa volonté d'arrimer l'Ukraine au « camp de la liberté », de transformer l'ancien grenier à blé de l'empire soviétique en première ligne de front contre l'expansionnisme grand-russe remis au goût du jour par Vladimir Poutine et la nomenklatura.
L'implosion du bloc soviétique a redistribué les cartes dans toutes les anciennes républiques de l'URSS. S'en suivit des luttes parfois féroces pour le pouvoir au sein des nomemklatura, certains optant pour une prise de distance à l'égard de la Russie, d'autres pour au contraire un maintien de leur satellisation. Mais tous recherchent avant tout, non pas « l'intérêt général de la nation » avec main sur le coeur et trémolo dans la voix, mais le cadre le plus propice à leur enrichissement personnel.

Depuis la fumeuse Révolution orange, les élites ukrainiennes constituées sous l'ère soviétique se font donc la guerre, s'allient, se déchirent, tout en s'enrichissant, of course, puisque mettre la main sur les leviers du pouvoir équivaut à mettre la main sur les flux d'argent destinés au développement.
Pendant plus de quinze ans, nous eûmes droit aux tribulations d'un trio pathétique d'affairistes et de mafieux : Ianoukovitch, Timochenko, Iouchtchenko. Embrassades, croche-pieds, procès, dissolutions à répétition se sont succédé jusqu'à l'éviction du pouvoir de Ianoukovitch, chassé par un mouvement populaire pluriel appelé « euro-Maïdan », rassemblement hétéroclite de démocrates écoeurés par l'affairisme régnant dans les cercles politiques et dirigeants, et de militants nationalistes d'extrême-droite.

A l'origine du mouvement, il y eut le refus par Ianoukovitch de signer un accord de coopération entre l'Ukraine et l'Union européenne et sa volonté de renouer le dialogue avec la Russie. Ce qui soude ce mouvement est le refus de voir la Fédération de Russie satelliser de nouveau l'Ukraine. C'est donc le nationalisme qui irrigue le mouvement euro-Maïdan : un nationalisme exclusif du côté de l'ultra-droite qui considère les Ukrainiens russophones de l'Est comme une sorte de cinquième colonne à la solde de Poutine ; un nationalisme inclusif du côté des démocrates et des gens de gauche qui considèrent que tous les Ukrainiens ont à gagner à voir les oligarques et les politiciens être chassés du pouvoir pour qu'enfin s'instaure une « démocratie à l'occidentale ». Chez les Ukrainiens pro-Russes, on pointe légitimement du doigt les fascistes et néo-nazis qui, bien que très minoritaires électoralement, sont très actifs sur le terrain ; chez les nationalistes ukrainiens, on fustige les « traîtres à la nation » protégés par Poutine et soutenus par tout ce que la Russie actuelle compte de nationaux-bolcheviks1.

Au jeu du nationalisme, ce sont les plus fort en gueule qui l'emportent toujours. Le pays s'est donc enfoncé dans la crise, et dans le chaos généré par le départ de Ianoukovitch, certains ont vu une opportunité de faire leur beurre en constituant des enclaves militarisées et en se constituant des sortes de milices privées. Ne l'oublions jamais, dans les pays en crise politique et sociale, endosser un uniforme a autant à voir avec la nécessité de se nourrir et de subvenir aux besoins des siens qu'avec la volonté de défendre des idées.

« T'es pour qui, toi ? » Je suis avec ceux qui refusent que les classes populaires servent de fantassins aux politiciens. Je suis avec ceux qui refusent la realpolitik des uns et des autres. Je suis avec ceux qui n'ont pas de nation à défendre mais des intérêts de classe et des valeurs qui elles, ne connaissent ni patrie ni frontières.

Note :
1. Dans la galaxie poutinienne, citons le fasciste Douguine, Prokhanov, ou encore le patriarche Kirill.