Rappelez-vous le trio comique des années 1990-2000 : Yanukovitch, Iouchtchenko, Timochenko. A se battre comme des chiffonniers pour le pouvoir, à s'allier, se quereller, se trahir, s'embrasser et à faire des affaires toujours. Car la constance est bien là : dans la capacité à tirer le maximum de sa position au coeur du jeu politicien. Oligarques ou porte-flingues des oligarques, manipulant la rue, les médias, la détresse sociale à grands coups de déclarations nationalistes fétides. Il fallait bien qu'un jour cela explose vraiment…
Certains voudraient que l'on choisisse son camps. Celui des pro-occidentaux qui, malgré leurs défauts, formeraient un rempart devant l'impérialisme arrogant grand-russe. Celui des pro-russes qui, malgré leurs défauts, formeraient un rempart devant l'impérialisme arrogant des Etats-Unis, autrement dit de l'OTAN. Je pourrais répondre comme Arlette Laguiller en son temps, que mon camps reste celui des travailleurs. Mais lesquels ? Les mineurs russophiles du Donbass qui servent de masse de manœuvre aux pro-russes ? Ou les travailleurs de l'Ouest qui n'ont guère envie de retomber sous la férule moscovite ? Car la grande force du nationalisme réside bien dans sa capacité à abolir la fragmentation sociale, ou plutôt à absorber la différenciation sociale, à l'englober dans un « grand Tout » national. Il ne sert à rien de choisir son camp car l'oligarque est versatile : il n'a pas la morale comme boussole mais son intérêt personnel. On ne peut comprendre la situation actuelle en Ukraine sans voir dans les oscillations des acteurs politiques leur volonté de s'affranchir de leurs tutelles respectives. Ce ne sont pas de simples marionnettes, mais des ambitieux qui jouent leur partition et jouent de leur satellisation.

Et que dire des élections tunisiennes et de la victoire de la coalition Nida Tounes devant Ennahda ? Nida Tounes n'est qu'un assemblage hétéroclite de politiciens véreux d'hier et d'ambitieux d'aujourd'hui qui ne sont d'accord que sur deux choses : Ennahda a beau être libéral, son rigorisme religieux est un frein au développement économique national ; nous saurons mieux gérés qu'Ennahda la place de la Tunisie dans la division internationale du travail (tourisme low-cost, activités de services low-cost et misère sociale pour les autres). Ennahda va se faire une petite cure d'opposition, à moins que véreux et ambitieux en se déchirant tout de suite ne provoquent des alliances qu'on pensaient contre-nature qui la réintroduiraient dans le jeu.

Et je m'en voudrais de ne pas dire deux mots sur les élections brésiliennes qui ont certes portées de nouveau à la présidence Dilma Roussef, mais ont surtout souligné la montée en force des partis des classes moyennes réactionnaires et puritaines ; des classes moyennes que le ralentissement économique inquiète, qui craignent de tomber de leur fragile piédestal, et qui verraient d'un bon œil que le gouvernement cogne plus fort sur les pauvres indociles des favelas. Le Parti des travailleurs, sorte de gauche libérale pro-business, domine encore le paysage politique, mais la droite est en train de se recomposer en s'appuyant sur des discours de plus en plus inquiétants qui rappellent le temps de la dictature militaire dont l'étendard était : Ordem e progresso (Ordre et progrès).

Les classes populaires le savent bien : elles n'ont pas grand-chose à attendre de ceux qui prétendent parler en leur nom. Elles le savent si bien qu'elles désertent, plus que nulle autre classe sociale, le champ de la compétition électorale. L'inconvénient est que la désertion ne règle en rien leurs problèmes.

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