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Rémi Fraisse est mort dans des conditions non encore totalement élucidées, à l'heure où j'écris ces lignes. Nous sommes au tout début novembre et l'on sait juste que ce jeune militant se trouvait dans la nuit du 26 octobre sur les lieux des affrontements sévères opposant les forces dites de l'ordre aux militants physiquement les plus déterminés à empêcher l'avancement des travaux du si contesté barrage de Sivens. « Il fallait bien que cela arrive un jour ». Telle fut sans doute la première réaction de beaucoup d'entre vous en entendant cette nouvelle à la radio au petit matin.

Il fallait bien que ça arrive un jour, dira celui que la radicalité et l'organisation des manifestants impressionnent et effraient.
Il fallait bien que ça arrive un jour dira celui que la violence des dites forces de l'ordre et les moyens techniques mis à leur disposition impressionnent et effraient. Toutes celles et ceux qui ont mis les pieds sur la ZAD jours d'affrontements ou participé par exemple à la manifestation du 22 février 2014 ont pu voir, sentir et entendre : voir des robocops en action, sentir les gaz, entendre les déflagrations. Ils ont pu voir également les visages tuméfiés de quelques jeunes frappés par des armes non létales, comme il convient de dire aujourd'hui.

La violence fait peur, légitimement peur. Nous sommes beaucoup à fonctionner sur un mode binaire : le gentil manifestant et le méchant CRS, la victime et le coupable, la morale contre l'ignominie ; l'essentiel étant de bannir l'usage de la violence de la pratique revendicative. Comme si le choix des armes dépendait exclusivement de nous, et non du rapport des forces. Soyons-en sûrs, sur les ZAD d'ici et d'ailleurs, les violents et les non-violents comme l'on dit sont indispensables les uns des autres. Sans rapport de force assumé physiquement par les premiers, sans la surface politique et médiatique apportée par les seconds, pas de victoire possible.

Quand Malik Oussekine est mort sous les coups des voltigeurs en 1986, certains ont déclaré qu'il n'était pas raisonnable de participer à des manifestations houleuses quand on était sous dialyse. On pourrait dire la même chose de Rémi Fraisse. Que faisait-il là, au milieu des violences, lui que l'on présente comme pacifiste, amoureux de la nature et des oiseaux ou de je ne sais quoi ? Y allait-il pour se battre ou pour assister en badaud aux affrontements ?
Je ne le sais pas moi-même. Ce que je sais, c'est que je n'ai pas besoin de le savoir « agneau » victimes des loups assermentés pour me sentir solidaire. Solidaire de son combat contre les grands projets inutiles, la marchandisation du monde, l'agro-business et le culte du béton. Solidaire contre la militarisation de nos démocraties avancées et le vigipirate perpétuel que l'on nous impose.

Rémi Fraisse est mort, voilà tout. Et il fallait bien que ça arrive un jour.