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A la fin de son exposé, le journaliste eut alors ces mots (de mémoire) : "Voici une décision de nature à rassurer les spéculateurs". Funny, isn't it ? Sa langue a fourché : au lieu de dire "investisseurs", il a dit "spéculateurs" ! Il a confondu les deux ! Pourtant la différence est importante : le spéculateur est méchant, l'investisseur, non.

Bref, v'là ce qu'il faut comprendre pour ce qui est des pays membres de la zone euro.
Un Etat pour vivre, investir, a besoin d'argent. Quand les impôts ne le comblent pas entièrement, il s'en va chercher de la fraîche sur le marché en proposant à qui n'en veut des sortes d'obligations à court, moyen ou long terme. Avant, il demandait à sa banque centrale de faire marcher la planche à billets ; ça créait du même coup de l'inflation. Aujourd'hui, dans la zone euro, il n'y a plus qu'une banque centrale, la Banque centrale européenne, et celle-ci a comme fonction principale de veiller à ne pas créer une spirale inflationniste ; à l'inflation, elle préfère l'austérité. Bref, faire marcher la planche à billets n'est pas dans son ADN ordo-libéral. En conséquence, les Etats endettés sont sommés d'aller chercher le pognon ailleurs, autrement dit sur le Marché.

Si sa situation économique est saine, les investisseurs sont contents et achètent des obligations à des taux non usuraires ; dans le cas contraire, de peur que l'Etat ne les remboursent pas, nos investisseurs soupçonneux exigent des taux d'intérêt plus élevés, histoire de se refaire la cerise plus rapidement, ou bien ils s'en vont investir ailleurs leur pognon, en tes territoires moins risqués. C'est ce qui se passe en ce moment avec la Grèce principalement, voire l'Espagne ou encore l'Italie.
Depuis plusieurs années, une partie des gouvernements de la zone euro, y compris la France sarkozienne, plaidait pour que la BCE intervienne de façon plus déterminée et surtout constante afin de limiter les effets de la crise. Au nom de l'Allemagne, Angela Merkel s'y est farouchement opposée. Elle ne veut pas que l'exception (achat d'obligations bancaires en 2007 et de dettes publiques en 2010) devienne la règle. Elle exige que chacun mette de l'ordre chez lui, autrement dit impose à ses citoyens des réformes structurelles aussi drastiques qu'impopulaires.

Comment analyser cette décision de la BCE. Est-ce une révolution ? Non. Est-ce la poursuite du statu-quo ? Non plus. Il me semble que cela prouve que le curseur est en train de bouger lentement, très lentement, l'important étant qu'aucun des acteurs de la zone euro ne perde la face puisque François Hollande a fait de sa volonté de contraindre la BCE à assouplir sa position un des thèmes forts de sa campagne, et Angela Merkel a fait la promesse inverse à son électorat.
Les gouvernements favorables à ce projet pourront dire à leur petit peuple que leurs efforts sont en train de payer : austérité il y aura, mais moins dure elle sera. Ceux qui s'y opposent, comme l'Allemagne principalement, mettront davantage l'accent sur les contreparties exigées par la BCE pour qu'elle intervienne. Ensuite, tout sera affaire de rapport de forces entre gouvernements et au sein de la BCE, donc de la capacité des gueux à peser sur « leurs » dirigeants...