Merveilleuse Allemagne avec son taux de croissance, sa balance commerciale excédentaire, son industrie performante, et sa bonne productivité.
Merveilleuse Allemagne avec ses lois Hartz qui ont cloué le bec aux chômeurs arrogants qui pensaient vivre grassement aux frais de la princesse.
Merveilleuse Allemagne où l'âge de départ en retraite à taux plein a été fixée à 67 ans sans que cela ne mette des foules immenses dans les rues.
Merveilleuse Allemagne où le droit de grève est interdit dans la fonction publique.
Merveilleuse Allemagne où les syndicats sont puissants, pragmatiques et tellement responsables qu'ils font là où on leur dit de faire ! Parce que voyez-vous, comme nous l'ont dit notre président de la République et Henri Guaino, son âme damnée, en Allemagne, les syndicats ne font pas de l'idéologie comme chez nous, ils ne font pas de la politique comme chez nous où, horreur, les syndicats ont la prétention d'être porteur d'un projet de société plus juste, plus démocratique. En Allemagne, les syndicats défendent les intérêts des travailleurs, voilà tout, en dialoguant avec les organisations patronales qui elles non plus, cela va de soi, ne font pas de politique mais seulement de l'économie.

Il est temps de rétablir la vérité sur la fameuse non-politisation du syndicalisme allemand. Il n'existe que trois confédérations syndicales en Allemagne. Il y a la Confédération chrétienne, très minoritaire, présente un peu dans la métallurgie, chez les enseignantes catholiques et les camionneurs, dont l'objectif est de promouvoir les valeurs chrétiennes au sein de la vie professionnelle. L'un de ses dirigeants, Mattheus Strebl, fut député du CSU, autrement dit d'une des branches de la droite allemande fortement implantée en Bavière, et présente dans le gouvernement d'Angela Merkel. La Confédération chrétienne n'est donc pas un syndicat apolitique. Il y a ensuite la Fédération des fonctionnaires allemands, la DDB, qui est membre de la Confédération européenne des syndicats indépendants, la plus à droite des structures syndicales internationales. Son apolitisme est donc des plus relatifs.
Il y a enfin le mastodonte : la DGB et ses six millions d'adhérents. L'histoire de la DGB peut se lire parallèlement à celle du SPD, autrement dit de la social-démocratie allemande. Le DGB est donc une confédération liée à la gauche allemande, une gauche qui a éclaté en 2005 entre un courant social-démocrate incarné par Oskar Lafontaine et son parti, Die Linke, et un courant dit « moderne », autrement dit libéral, celui de l'ex-chancelier Schroeder dont les réformes sociales ont condamné à la misère, aux petits boulots et au travail à temps partiel des millions d'Allemands ; c'est ça aussi la face cachée du « miracle allemand ». Et c'est cette dernière tendance qui semble dominer l'appareil depuis quelques années.

Les confédérations syndicales allemandes ne sont donc pas apolitiques comme on nous le serine. Elles sont de droite pour deux d'entre elles, et de centre-gauche pour la plus puissante. Il n'y a en effet pas de quoi en faire frémir un fonds de pension...

NOTA : J'en profite pour vous signaler deux articles : "La cogestion allemande a fait ses preuves" (Alternatives économiques de février 2012) et "Le consensus de Berlin" (Le Monde diplomatique de février 2012)