Philippe Artières et Franck Veyron (sous la direction de), Ripostes. Archives de luttes et d’actions 1970-1974, CNRS Editions, 2023.

Avec Ripostes. Archives de luttes et d’actions 1970-1974, publié par CNRS Editions, Philippe Artières, Franck Veyron et leurs acolytes nous plongent en images dans le tumulte politique et social de la France de l’après-1968. Images ne sous-entend pas photographies car dans ce beau livre en quadrichromie, ce qui domine, ce sont les reproductions de tracts, d’affiches et de une de presse.
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Ce livre accompagne une exposition proposée par La Contemporaine, vénérable institution nanterroise qui tient à la fois de la bibliothèque, du musée et du centre d’archives ; une exposition qui met en valeur les mille-et-un documents rassemblés depuis près d’un demi-siècle.

Les auteurs ont proposé à une vingtaine de contributeurs de choisir une pièce de l’exposition et de « s’en saisir pour restituer et analyser les événements évoqués, connus ou inconnus ».
La question de la violence, y compris quand elle n’est que discours ou soutien, était au coeur du militantisme d’alors. C’est ce qui ressort des six chapitres de l’ouvrage sobrement intitulé Informer, Soutenir, Dénoncer, Désobéir, Riposter et Débattre. Informer parce qu’il faut contrer la propagande d’État et défendre la liberté d’expression. Soutenir ceux qui affrontent le franquisme au risque du garrot, ou ceux qui, en Corse, pose la question de l’émancipation politique et culturelle. Il faut dénoncer le racisme et les conditions carcérales indignes dans lesquelles croupissent les victimes d’un ordre social injuste. Il faut désobéir et permettre aux femmes d’échapper à une maternité non désirée, aux paysans de défendre leurs terres, aux appelés du contingent de faire entendre leurs voix discordantes, aux Guadeloupéens de secouer le joug colonial. Il faut riposter, à l’usine et dans la rue, parce qu’on ne saurait se satisfaire de mots.
Certains événements relatés dans ces pages ont marqué l’histoire politique et sociale. Je pense ici à l’aventure du journal Libération et plus largement au développement d’une presse révolutionnaire, au martyr du révolutionnaire libertaire anti-franquiste Salvador Puig Antich, à l’imposante mobilisation de 1973 sur le plateau du Larzac, portée par les paysans-travailleurs ou à l’assassinat de Pierre Overney par un vigile d’extrême-droite embauché par la régie Renault. D’autres le sont beaucoup moins et méritent l’attention comme l’émergence d’un syndicalisme anticolonialiste en Guadeloupe, les mobilisations antiracistes, l’antimilitarisme révolutionnaire, la méfiance à l’égard de l’institution policière ou encore la grève avec occupation des ouvrières de l’usine textile Burton de Boulogne-sur-Mer.

Ces Archives de luttes et d’actions témoignent de la vigueur de la contestation politique, sociale et culturelle de l’immédiat après-68, dans laquelle les pratiques d’action directe avaient toute leur place. Un demi-siècle plus tard, « le débat sur la désobéissance civile et les formes légitimes de riposte(s) est toujours au centre de notre présent politique », et il l’est d’autant plus qu’un nauséeux parfum de fin de siècle s’invite trop souvent dans l’actualité.