Gaëlle Krikorian, Des Big Pharma aux communs. Petit vadémécum critique de l’économie des produits pharmaceutiques, Lux, 2022.

Avec « Des Big pharma aux communs », la sociologue Gaëlle Krikorian nous offre un outil très utile, synthétique (moins de 130 pages), pour lutter contre les géants du business de la santé. Ce « Petit vadémécum critique de l’économie des produits pharmaceutiques » est organisé en trois parties : Symptômes, Diagnostic et Traitements.

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Symptômes. Ancienne militante d’Act Up, Gaëlle Krikorian souligne que l’accès réduit à certains médicaments ne doit rien à des problèmes d’approvisionnement mais qu’il est sciemment organisé par les multinationales du secteur afin de se garantir des prix de vente élevé. Leur but n’est donc pas « de vendre le plus d’unités possibles ». Tout le monde est logé à la même enseigne, même si les malades des pays pauvres ou ceux dont les systèmes de protection sociale sont les moins bienveillants subissent de plein fouet cette logique capitaliste et cette organisation de la rareté.

Diagnostic. Business is business, il n’y a pas de philanthropes chez Bayer, Sanofi et autres Pfizer, entreprises dont les dirigeants sont avant tout des gestionnaires et des banquiers qui ne sont pas tenus par le serment d’Hippocrate… Leur job n’est pas de soigner les gens mais de maximiser les profits et de rémunérer grassement les actionnaires : « En 2020, les huit premières multinationales pharmaceutiques affichaient des marges de profit allant de 15 à 25 % ». D’où leur intérêt pour les start-up du secteur et les promesses de rentes juteuses qu’elles portent.
La recherche coûte cher, dit-on, et sans protection des découvertes, personne n’aurait intérêt à investir. L’argument est entendable, sauf que « l’innovation résulte de la succession de financements publics de la recherche fondamentale » et qu’à ce titre, on ne voit pas pourquoi « il faudrait octroyer des monopoles aux firmes »… des firmes qui profitent également, en France, des « mécanismes de crédit d’impôt », sans parler de leur propension à optimiser leur fiscalité ou leur appétence pour les paradis fiscaux.
Pour l’auteur, le « manque absolu de transparence qui règne dans l’univers pharmaceutique favorise la multiplication des dérives ». C’est le cas du « secret des affaires » qui fait que les contrats liant l’État et les compagnies pharmaceutiques échappent à tout regard critique. Ce qui est fort dommage quand on connaît l’importance de « l’intervention du secteur privé dans l’élaboration des politiques publiques en matière de santé », des partenariats publics-privés, du lobbyisme ou de la capacité de certains hauts-fonctionnaires à se recaser, ne serait-ce qu’un temps, dans les directions du Big Business.

Traitements. Que faire en attendant le salvateur Grand soir ? Reprendre le slogan « Patients before Patents » (les Patients avant les brevets), arracher autant que possible la santé des mains des mercantis, mettre fin au « siphonnage des ressources publiques », relocaliser la production de médicaments, redonner du pouvoir à la puissance publique et faire évoluer le droit afin que « le droit d’exclure de l’usage (ne soit plus) au coeur de la définition de la propriété. » Pour l’autrice, c’est une « question de vie ou de mort », ni plus ni moins.