On ne connaît bien souvent de Donald Trump que ses déclarations relatives aux femmes, aux migrants latino-américains, aux musulmans, et son engagement à construire un mur de 3000 km entre le Mexique et les Etats-Unis. Ses propos vulgaires, sexistes, racistes, son goût de la provocation et de la blague grasse, son côté « je parle et pense comme le peuple, parce que malgré mes millions, je reste un homme du peuple », tout cela ne peut qu'intéresser les médias, le business de l'info en continu, la quête continuelle de la petite phrase susceptible de faire le buzz. On connaît moins ses positions sur l'économie et la politique étrangère. Alors que l'élite républicaine est dominée par le néolibéralisme et le néoconservatisme, que le mouvement libertarien Tea party, anti-étatiste, anti-fiscaliste semblait devoir incarner le renouveau du Parti républicain, c'est Donald Trump qui a conquis les suffrages des électeurs de droite. Or, Trump n'est pas un défenseur intransigeant du marché libre : il veut limiter les délocalisations, taxer les importations, se montre critique à propos des accords de libre-échange et parle même d'augmenter les impôts des plus riches. Il promet même de ne pas s'en prendre à la couverture santé des pauvres et des vieux au motif que la croissance économique qu'il promet rendra leur financement très facile ! Quant à la politique étrangère, même si ses positions ont été plus que fluctuantes, il se pose en adversaires de l'interventionnisme, marque de fabrique des républicains depuis des lustres qui ont toujours vendu aux électeurs une idée simple : il revient aux Etats-Unis de guider le monde. Trump comme Cruse considèrent que les Etats-Unis doivent en finir avec le néoconservatisme guerrier qui plombe les finances publiques et réinvestir les fonds ainsi récupérés dans le développement du pays.

Pour l'heure, Hillary Clinton, qui sera à n'en pas douter la candidate démocrate à la magistrature suprême, a l'avantage dans les sondages. On lui attribue une dizaine de points d'avance, même si les indécis représentent un cinquième de l'électorat. Les outrances langagières de Trump sont du pain béni pour elle puisqu'elles sont censées ramener dans son giron l'électorat noir, latino, voire féminin. Mais doit-on réellement avoir peur de voir un tel olibrius s'installer douillettement à la Maison blanche ? Une fois en poste, aura-t-il les moyens de faire appliquer sa politique ?
Car Trump, si d'aventure il est élu, aura au moins trois adversaires de poids à affronter : les élus républicains eux-mêmes, qui pour une bonne majorité, sont loin de lui être acquis et pourraient donc faire payer son arrogance un jour ou l'autre à cet outsider irrévérencieux ; le lobby militaro-industriel qui s'est rempli les poches grâce à la politique guerrière de Washington et entend bien continuer à le faire ; le big business, enfin, qui entend rester libre de mener la politique industrielle qui lui semble bonne, sans avoir à en payer le prix par l'imposition de tarifs douaniers prohibitifs.
Bref, Trump élu aura à mon sens bien du mal à tenir ses promesses. Qu'il se rassure, il ne sera pas le premier bonimenteur à connaître ce destin.