Le hasard a voulu que je tombe mardi 22 mars sur un document d’une vingtaine de pages, vieux de plus de vingt ans et pourtant d’une extraordinaire actualité. Ecoutez plutôt : « Il nous faut donner un nouvel esprit aux lois. Passer de la réglementation à la régulation et déplacer les frontières de l’ordre public, c’est-à-dire exiger de la loi qu’elle fixe les principes et les règles essentielles et faire confiance aux acteurs sur le terrain pour mettre en place les procédures et les organisations adaptées. La loi ne doit pas réglementer la mise en œuvre, mais fixer les interdits et révéler les possibles.
Cette conception nouvelle du rôle de la loi doit passer par une simplification du code du travail, en freinant la production de nouveaux textes, en revisitant les textes existants pour mettre à jour les redondances ou les mesures contradictoires, en simplifiant l’empilage des textes qui s’est progressivement construit entre le code du travail, les conventions collectives, les accords de branche et les accords d’entreprise.
L’objectif serait d’arriver à un code du travail simplifié et recodifié en 50 à 100 articles maximum. Une commission spécialisée, composée de chefs d’entreprise et de juristes, pourrait être créée à cet effet.
En contrepartie, les entreprise, quelle que soit leur taille, auraient obligation de mettre en place un dialogue social et de la faire vivre sur tous les sujets relatifs à la vie de l’entreprise.
Ainsi pourrait s’engager une responsabilisation de tous les acteurs à leur niveau et l’entrée dans une société de la négociation et du contrat. »

Qui parlait ainsi en l’an de grâce 1995 ? Le jeune Macron ? Le moins jeune Valls ? Nicole Notat peut-être ? Vous n’y êtes pas. Il s’agit du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJDE). J’ai trouvé ce texte dans l’un de leurs rapports intitulé : « Vers l’entreprise à la carte – Une entreprise flexible, économiquement performante, qui redonne à chacun une place dans l’emploi ».
Dans ce texte, tout y est : le classique rejet de l’étatisme et du bureaucratisme, la simplification du code du travail considérée comme une usine à gaz non-maîtrisable par les acteurs sociaux, la nécessité de revivifier le dialogue social au plus près du terrain et des réalités de l’entreprise.
Ah le dialogue social ! Le patronat adore ça, il le met à toutes les sauces ! Mais dans la réalité, on le sait tous, il en va différemment. Un syndicat, c’est fait pour acquiescer, pour négocier à la marge, sinon il est néfaste et il ne sert à rien !
J’ai particulièrement apprécié le passage dans lequel nos patrons modernistes parlent de la nécessaire simplification du code du travail. Rappelez-vous : « L’objectif serait d’arriver à un code du travail simplifié et recodifié en 50 à 100 articles maximum. Une commission spécialisée, composée de chefs d’entreprise et de juristes, pourrait être créée à cet effet. » N’est-ce pas merveilleux de les voir parler de dialogue social d’un côté et d’oublier de l’autre d’associer les organisations syndicales à la refonte du code du travail dont la fonction, nous disent les juristes, est de régir les relations humaines qu’engendre le travail subordonné ? Je vous laisse juge.