« Je suis l'étranger » rassemble une trentaine d'articles et reportages que Magdeleine Paz a rédigés dans les années 1930 dans différents journaux de gauche, ainsi qu'un ensemble de textes (articles, courrier etc) relatifs à la défense de Victor Serge, l'écrivain-militant, victime de la répression stalinienne.
Magdeleine Paz a la plume littéraire et elle entend parler autant au coeur qu'au cerveau des lecteurs. Elle témoigne et elle conjure celles et ceux qui la lisent de ne pas laisser faire, de prendre parti.
Prendre parti pour ces jeunes Noirs victimes à Scottsboro du racisme institutionnel aux Etats-Unis, pour ces jeunes migrantes polonaises surexploitées dans la France rurale du Nord, pour ces immigrés kabyles ou marocains vivant dans le dénuement à Paris, pour ces réfugiés politiques et ces Juifs allemands menacés d'expulsion ; une expulsion qui a la « forme légère, impersonnelle et anodine d'une feuille de papier bleu. » A l'heure où on expulse la Jungle à Calais, où l'on fait la chasse aux réfugiés et migrants qualifiés d'économiques, à l'heure où l'Europe est confrontée à des flots ininterrompus de migrants fuyant une Syrie en guerre, il faut lire Magdeleine Paz qui nous parle alors d'une « France des portes fermées et des murs inexorables », et priant pour qu'il y en ait une autre.
Avec force, elle conjure ses contemporains de ne pas voir dans l'immigré, tel le Polonais mineur de fond, et le réfugié un concurrent et un poids pour la Nation. Elle les supplie d'ouvrir les yeux sur la façon dont la Patrie des droits de l'homme se comporte dans ses colonies où injustice, misère, racisme et mépris lui servent d'étendard civilisateur. Elle souligne que le souffle libérateur du Front populaire s'est fait sentir également au-delà des mers, au grand dam des colons réactionnaires.

L'un de ses grands combat : arracher des griffes du Guépéou Victor Serge, l''ex-anarchiste converti au bolchévisme, l'ardent défenseur de la Révolution russe devenu opposant au stalinisme, exilé loin de Moscou, aux confins de l'Oural. On craignait pour sa vie, à raison. Infatigable, Magdeleine Paz s'est démenée sans compter pour obtenir l'expulsion vers la France de Victor Serge. Tâche difficile puisque pour cela, il lui fallait affronter tous les appareils de propagande du Parti communiste pour qui, un opposant, même de gauche, à la dictature sur le prolétariat, ne pouvait être qu'un agent du fascisme et de la bourgeoisie. « Il faut une certaine vaillance pour aller contre le courant » a-t-elle écrit en 1932. De vaillance, elle n'a jamais manquée.