Catastrophe naturelle : le mot est lâché. Mais si les pluies torrentielles tombent bien du ciel, les dégâts qu'elles provoquent n'ont rien de naturel. Ces dégâts ont des causes politiques et économiques.
Il fut un temps, lointain, disons quelques décennies, où le béton n'avait pas envahi totalement l'espace côtier. Quand il tombait dru, et Dieu sait qu'il pleut souvent dru ans le sud-est de la France, l'eau de pluie tombait sur des champs et pas sur du bitume et du béton. Au Maghreb, les orages peuvent être dévastateurs parce que le lit des oueds est tellement sec que l'eau peine à y pénétrer. Alors cette eau coule, entraînant tout dans son sillage. Sur la côte méditerranéenne, le phénomène est identique, à la différence que l'oued est ici une rue.
Il fut un temps où les rivières grossies par les pluies diluviennes trouvaient des espaces pour se vider de leur trop-plein. Mais voilà, le béton, les aménagements divers et variés, les digues et barrages, l'absence d'entretien font que ces rivières sont comprimées et finissent par déborder là où ça leur est enfin possible.
Il fut un temps, tout aussi lointain, où il était sans doute plus difficile de transformer des terrains non constructibles en bonnes affaires immobilières. En Vendée comme dans le Var et ailleurs, le business est passé par là. Les gens veulent du soleil et la mer à portée de main ? Parfait, bétonnons la côte. On a transformé de bonnes terres agricoles placées en zones inondables par des quartiers résidentiels. Ce sont 300 000 personnes qui vivent dans une zone inondable pour les seules Alpes-Maritimes ; et en 2009, un rapport du Commissariat général au développement durable notait que ce département détenait le record de construction de logement en zone inondable.

Ce ne sont pas les pluies torrentielles qui ont tué au début du mois d'octobre une vingtaine de personnes. Pas plus que la malchance ou l'imprudence, ou notre incroyable dépendance à l'égard de la voiture qui voit nos contemporains risquer leur peau pour sauver leur foutue bagnole. Non, le responsable principal, à mes yeux, c'est l'alliance très rarement vertueuse entre élus politiques et bétonneurs en tout genre, autrement dit la cupidité, l'appât du gain et l'électoralisme. Le responsable, c'est aussi l'héliotropisme, cette attraction pour le temps clément et la mer, cet idéal de vie petit-bourgeois qui poussent une fraction de la population, plutôt âgée, à venir s'installer sur la côte méditerranéenne après une vie de labeur rémunérateur, sous le soleil et à l'ombre du Front national. L'attractivité d'un territoire peut se payer de quelques morts, à l'occasion. Et les occasions se répètent, malheureusement.