chomsky_vltchek.jpg

Les éditions Ecosociété ont fait le choix d'éditer, sous le titre « L'Occident terroriste – D'Hiroshima à la guerre des drones », le dialogue entre le vieil activiste nord-américain et un journaliste militant globetrotter dénommé André Vltchek. Dialogue véritable car Vltchek parle beaucoup. Trop même car nombre de ses réflexions m'ont laissé, je vous l'avoue, pantois.

La thèse de ce livre est simple, ancienne et j'y souscris grandement : sous sa façade démocratique et ses discours enflammés sur la liberté (d'expression, d'entreprendre etc...), l'Occident capitaliste a tué, massacré des millions de personnes à travers le monde depuis la fin du second conflit mondial ; or, les grands médias ne parlent que des crimes du « communisme », exonérant donc grandement « nos » démocraties de leur responsabilité dans les désordres du monde et renforçant se faisant notre nette tendance à l'occidentalocentrisme. Chomsky en avait fait la démonstration dans un écrit devenu un classique : Economie politique des droits de l'homme (Albin Michel, 1981). Le problème est que bien souvent André Vltchek multiplie les déclarations plus que douteuses et à l'emporte-pièce à l'appui de cette thèse. Et le voilà qui minimise les crimes staliniens ou khmers rouges, qui fustige « l'incessante propagande anti-chinoise », qui défend la kleptocratie congolaise contre l'impérialisme rwandais et ougandais pro-occidental, Robert Mugabe ou encore Bachar al-Assad contre les djihadistes manipulés par l'Occident, of course ; et le voici qui définit le Hezbollah comme un grand mouvement social musulman, qui est émerveillé par le Venezuela et qui nous livre cette lapallissade : « Staline a fait des choses terribles, mais on ne doit pas isoler l'homme de son contexte historique ». Amen ! Il y a des avocats dont il vaut mieux se passer...

Cette absence quasi-totale de subtilité (pour ne pas dire plus...) dans les analyses m'a laissé souvent sans voix, je vous l'avoue. Dans l'univers de Vltchek, tout n'est que manipulation et machiavélisme, et c'est of course l'Occident chrétien qui tire les ficelles ; dans un texte glissé en annexe, il en vient même à opposer la « Chrétienté » brutale et impérialiste à l'Islam « qui cherchait davantage à bâtir une grande civilisation qu'à se livrer au pillage et à la guerre ». J'aurais aimé que Noam Chomsky se permette de contredire son interlocuteur, mais il le fait rarement. Penserait-t-il la même chose ? Je n'ose le penser même si j'ai ouïe-dire que le vieil activiste avait évolué politiquement, devenant plus pragmatique avec l'âge, applaudissant par exemple au socialisme bolivarien de feu Hugo Chavez...

Ce livre nous en apprend finalement assez peu sur la pensée de Noam Chomsky. Il nous en apprend surtout sur l'un des courants de l'anti-impérialisme contemporain ; courant qui fonctionne sur le mode binaire comme son ennemi juré : le grand média à la solde des multinationales et de l'Empire. Je ne suis pas sûr que ce soit ce dont nous ayons besoin aujourd'hui pour mieux comprendre le monde...