Je ne fais pas partie des braillards qui crient au loup avant d'en avoir vu la queue et qui tentent de nous expliquer que cette loi est dangereuse, attentatoire à nos libertés et qu'il faut la rejeter. Non, ils ont tort. Manuel Valls (pour qui j'ai le plus grand respect) a décidé de prendre le taureau par les cornes et d'en finir avec l'angélisme de la gauche bien pensante. Non, j'affirme haut et fort que jamais cette loi n'attentera à notre liberté de travailleur et de consommateur. Et c'est là l'essentiel : pour paraphraser Georges Bush Jr, les terroristes s'attaquent à la « french way of life », à la french façon de vivre et ça, c'est intolérable !

Je le dis d'autant plus facilement que depuis près de trois décennies, j'ai beaucoup fauté. Ouais, j'ai fauté et je m'en repens. J'ai dit beaucoup de mal du capitalisme, des institutions républicaines et beaucoup de bien de certaines formes de contestation sociale. J'ai eu tort. Certes, le capitalisme n'est pas parfait, mais c'est le seul système qui produit de la richesse, donc de la croissance, donc de l'emploi, y compris le dimanche jusqu'à 22h avec ventes flash toutes les heures. Certes, nos institutions ne sont pas parfaites, mais elles assurent au moins que le peuple ignorant, indocile et versatile soit guidé par ceux qui savent et, grâce à la parité, par celles qui savent aussi. Certes, on a le droit d'être mécontent de son sort, mais est-ce une raison pour faire grève, descendre dans la rue, employer des gros mots à l'intention des policiers (pour lesquels j'ai le plus grand respect) ? Non, en démocratie moderne, on manifeste poliment et on prend son mal en patience.

J'affirme répudier solennellement les centaines de chroniques écrites depuis les années 1980. De même, en guise de bonne foi, j'ai fait un tri intense dans ma bibliothèque, histoire d'en expurger les écrits susceptibles de porter préjudice à la Patrie. J'ai jeté « L'insurrection qui vient », les écrits de Bakounine, Lénine, Archinov, Gramsci, Pannekoek, Poulantzas. J'ai gardé le Capital de Marx parce que, comme disait Desproges « Le Capital, c'est comme l'annuaire, on tourne trois pages et on décroche », mais j'ai quand même déchiré la huitième section sur l'accumulation primitive qui explique comment le capitalisme s'est construit sur la violence, l'extorsion, la pénalisation de la misère etc. Du coup j'ai acheté quelques bibelots, plus les œuvres complètes de BHL, Caroline Fourest, Régis Debray, Philippe Val et Jacques Attali pour meubler une bibliothèque qui sonne creux et prouver que je reste à l'écoute des penseurs contemporains majeurs de l'hexagone. Mais de toute façon, lire pour comprendre le monde n'a plus grand sens depuis qu'on a les chaînes d'information en continue sur la télé…

Je fais actuellement du lobbying auprès des administrateurs d'Alternantes FM pour que la radio change de nom et abandonne ses vieux oripeaux datant des années radios libres. Je plaide également pour l'introduction de la publicité sur l'antenne parce qu'il faut vivre avec son temps et accepter que l'argent, le commerce, la concurrence et l'ouverture des magasins le dimanche jusqu'à 22 heures avec ventes flash régulières depuis le rayon charcuterie soient des choses normales, faisant partie de notre french façon de vivre. Ce ne sont pas les Arabes (oups, pardon, je voulais dire « les Musulmans extrémistes") qui nous empêcheront d'acheter du saucisson à l'heure qu'on veut !

Je compte également animer une émission dès la rentrée prochaine, émission qui s'intitulera « Compte-sur-nous, Manu ! », émission dont la tâche sera de défendre la pensée féconde et profonde de Manuel Valls (pour qui j'ai le plus grand respect) contre ceux qui veulent que le capitalisme (oups, pardon, une rechute : je voulais dire le terrorisme) nous terrorise et nous empêche de réformer la sécurité sociale, le code du travail et l'assurance-chômage.