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La Commune de Paris : « soixante-douze jours de rêves et d'utopie » à honnir ou à honorer, à flétrir ou à célébrer ; le Paris des patriotes, de la canaille interlope, de la chienlit et de l'Espérance révolutionnaire. A chacun sa Commune.
De son lendemain à nos jours, la Commune de Paris n'a cessé de faire parler d'elle. Ou plutôt, les militants de tout le spectre politique n'ont jamais cessé de l'utiliser à des fins partisanes… et de se quereller à son sujet.

L'auteur distingue trois grandes périodes. La première court de la Semaine sanglante à l'Octobre russe. Les Versaillais fustigent les barbares sans Dieu ni maître qui ont mis Paris sens dessus dessous, fustigent les militants de la Première Internationale « cette franc-maçonnerie du crime » tout comme ces pétroleuses qui ont oublié ce que femme voulait dire. C'est le temps des messes expiatoires, de la construction du Sacré-Coeur et de la censure de la parole rebelle. Des communards qui parlent, racontent, défendent ce que fut leur Commune, mais qui le font depuis leur lieu d'exil. A leur retour, la République bourgeoise veille à ce que les commémorations de la révolution communarde ne troublent pas l'Ordre public, autrement dit à ce qu'elles ne fassent pas l'éloge du peuple indocile. Fascinante Commune dans laquelle chacun va puiser des leçons pour l'avenir : Commune patriote qui se lève contre le Prussien et la République, cette gueuse, pour l'extrême droite ; Commune révolutionnaire, incarnation d'un socialisme possible, pour l'extrême gauche ; Commune républicaine qui se dresse quand le pouvoir légal n'a le courage que de fuir la tempête…

Dans une seconde période, qui va de la Révolution d'Octobre au Centenaire, c'est le courant communiste, léniniste puis stalinien, qui est au coeur du jeu. « La Commune a été faible. Pour achever son œuvre, nous sommes devenus forts (…). La Commune, nous la vengeons » écrit Trotsky en 1920. Le PCF conspue les Versaillais d'hier et d'aujourd'hui, et salue ceux qui ont compris que la réussite de la Révolution passait par la discipline et l'internationalisme incarné par la Troisième Internationale. L'hégémonie du discours communiste sur l'événement est mis à mal en 1971, quand gauchistes et libertaires osent défier le Parti et produire un autre discours, plus radical sur l'événement, plus audible depuis Mai 68.

Et depuis ? Chacun défend « sa » Commune, des inénarrables Jean Tibéri inaugurant la Place de la Commune-de-Paris à la Butte-aux-cailles, Lorant Deutsch ou Jean Sévillia, producteurs inlassables de clichés réactionnaires, jusqu'aux anarchistes insistant encore et toujours sur la dimension libertaire de l'événement, bien mis en lumière par un historien comme Jacques Rougerie qui a renouvelé le regard porté sur le printemps 1871. Une dimension qui déplaît à ceux qui aimeraient panthéoniser l'événement pour mieux annihiler son caractère le plus subversif. En conclusion, Eric Fournier nous demandent d'être « fidèles à ce que les insurgés furent, à ce pourquoi ils se sont battus », ni plus ni moins. Faire de l'histoire en somme, et pas de la propagande, ou pour le dire avec les mots du communard Lissagaray : il n'est pas de « plaidoyer meilleur pour les vaincus que le simple et sincère récit de leur histoire. »