Christophe Jacquin de Margerie, patron d'exception de Total, est donc mort. J'ai toujours trouvé surprenant la profusion de personnalités à particule au sein du monde des affaires, croyant bêtement que la Grande faucheuse de la Terreur avait fait son œuvre au temps de la Révolution française ; visiblement, elle ne l'a pas fait complètement.

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Jacquin de Margerie est donc mort, en service, et ce décès brutal plongea le pays dans le marasme, la dépression. Au siège social de Total, la télévision nationale nous montra les visages ravagés par la douleur et l'incompréhension de ces dizaines de cadres petits, moyens et supérieurs. Ce jour-là, ces hommes et femmes avaient perdu, osons le mot, un second père, un « papa ». Les journalistes rappelèrent à bon escient que ces cadres petits, moyens et supérieurs appelait affectueusement Christophe Jacquin de Margerie « Moustache ». N'est-ce pas la preuve qu'ils en pinçaient sévère pour leur patron ?
Les plus hautes autorités de la Nation prirent ensuite la parole pour dire à quel point elles se sentaient orphelines en ce funeste jour. Et nous de même. Un moment je crus que Manuel Valls allait proposer de faire du 20 octobre un jour férié ; mais je me repris aussitôt : honorer la mémoire d'un patron par une mesure anti-libérale ne serait pas du meilleur goût. J'ai pensé également à la panthéonisation. Mais là, c'est le temps qui le dira...

A l'annonce du décès, j'ai entendu que le cours de l'action Total s'était effondré. Le soir, rentrant d'une journée de travail banale, le genre de celle que vivent les êtres qui ne sont pas d'exception, j'ai entendu que le cours avait remonté, que l'action avait même pris de la valeur malgré les incertitudes planant sur la gouvernance de Total. Ceci prouve que les oligarques et les spéculateurs ont du coeur : ils n'ont pas voulu gâcher les funérailles...
En tout cas, cet épisode me remit en mémoire le refrain d'une magnifique chanson interprétée par Jean Guidoni : « Tous les enfants de France ont un second papy, couronné d´espérance et de chêne au képi, étoile à la houlette et moustache enneigée, Petit Francais, répète : "Tu es notre berger" ». Il parlait bien sûr du Maréchal Pétain, qui partageait deux choses avec Christophe Jacquin de Margerie : la moustache et le goût des hommes à poigne, Hitler pour le premier, Poutine, l'Emir du Qatar et je ne sais qui d'autre pour le second.

Je m'en voudrais de ne pas finir par le communiqué de la présidence de la république du 21 octobre 2014. Un communiqué court mais essentiel dans lequel on pouvait lire ceci : « Le Président de la République présente ses plus sincères condoléances à la femme, aux enfants, à toute la famille et aux proches de M. Christophe de Margerie, ainsi qu'à tous les personnels du groupe Total. » Sans doute chaviré par l'émotion, François Hollande a oublié d'associer à ses condoléances tous les automobilistes abonnés aux station Total qui collectionnent les points, tous les enfants heureux quand leurs parents leur ramènent des jeux Total et tous les oiseaux mazoutés qui, sans Total, ne seraient jamais passés à la télé. Mais on ne peut penser à tout...