Qui a tué Lech Kaczynski ? La malchance ou bien peut-on y voir la main de Moscou ? La question agite toujours les Polonais et elle les agite d'autant plus que la politique internationale de Vladimir Poutine est de plus en plus agressive. Vous noterez j'espère que lorsque les Etats-Unis menait une politique visant à empêcher des pays de sa sphère d'influence de se doter de gouvernements démocratiques ou socialistes, on appelait cela du containement ; lorsque l'URSS puis la Russie font de même, c'est de l'impérialisme agressif. Mais passons...
Qui a tué Lech Kaczynski ? Personne ne le sait. Personne ne sait pourquoi le Tupolev présidentiel manqua son atterrissage, tuant dans l'accident la centaine de passagers à son bord. Problème technique, erreur de pilotage ou coup tordu de l'ex-KGB ? Le fait que Poutine ait refusé catégoriquement de céder les restes de l'appareil à la Pologne ne fit qu'alimenter la polémique, qu'enfler la rumeur.

Car les Polonais ont peur. Depuis des générations et des générations, ils ont été élevés dans la peur de l'agressif voisin oriental... comme dans celle de l'agressif voisin occidental. Russie et Allemagne, URSS et Troisième Reich. La poignée de main entre Staline et Ribbentrop en 1939 est restée au fond de la gorge des Polonais, dont beaucoup ont le nationalisme chatouilleux. Car jadis la Pologne fut un Royaume puissant dont le drapeau flottait sur Varsovie, Minsk ou Vilnius. En 1939, attaquée à l'ouest comme à l'est, la Pologne fut broyée en quelques semaines.



Les décennies ont passé, décennies placées sous le signe du communisme de caserne, mais la hantise de disparaître, d'être absorbée n'a pas disparu. A la chute du mur, le gouvernement polonais a choisi son camp : celui de l'Amérique de Bush, l'Amérique des néoconservateurs et donc, indirectement, celui de l'Allemagne, même si elle se rêve un autre avenir que d'être une puissance mineure dans l'ombre du géant européen.



Car la politique internationale de l’État polonais poursuit plusieurs objectifs. Le premier est de se garantir d'un éventuel coup de force du voisin russe. Elle n'a eu de cesse de réclamer que l'OTAN installe des bases permanentes sur son territoire, tout comme elle n'a eu de cesse d'appuyer l'Amérique dans sa croisade anti-Saddam Hussein en 2003, s'opposant ainsi à la décision de l'Allemagne et de la France ; et n'oublions pas qu'elle a accueilli sur son sol les fameuses prisons secrètes de la CIA. D'où également l'activité fébrile qu'elle a développée et continue à développer dans le cadre du conflit ukrainien ; une Ukraine qui pour une partie était intégrée jadis dans le royaume de Pologne.



Elle était à l'avant-garde pour réclamer de l'Europe qu'elle soutienne ardemment les Ukrainiens europhiles ; activisme diplomatique qui eut le don d'énerver autant Moscou que Berlin, l'Allemagne n'ayant guère envie de se froisser avec son principal fournisseur de gaz. Le dépendance au gaz russe de la Pologne et de l'Allemagne fut d'ailleurs la cause d'une autre polémique à la fin du siècle dernier quand la construction en mer Baltique du gazoduc Nord Stream, gazoduc reliant directement la Russie à l'Allemagne, permettait à la Russie de cesser d'approvisionner la Pologne sans conséquences néfastes pour l'Allemagne. La Pologne se crut revenu soixante ans en arrière… Bref, avec une Ukraine moins dépendante de Moscou, Varsovie se sentirait moins seule...

Le second objectif est de gagner des galons au sein de l'Union européenne. La Pologne va bien. Du fait de sa position géostratégique (elle fait face à la Russie, à la Biélorussie, à l'Ukraine), elle a bénéficié d'un traitement de faveur de la part de l'Europe. Des centaines de milliards de dollars lui ont été confiés depuis les années 1990. Ces fonds structurels lui ont permis de sortir d'une situation économique et sociale catastrophique. Certains applaudissent cette réussite insolente, oubliant un peu vite que cette thérapie du choc a été d'une brutalité terrible pour les classes populaires d'une part, et que ce succès fait oublier que le développement économique fut et demeure très inégal, une partie importante du territoire restant à l'écart de la « modernisation ».

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La Pologne, meilleure alliée des Etats-Unis au sein de l'Europe, aimerait bien qu'on cesse de la considérer comme quantité négligeable. Car elle entend jouer un rôle majeur en Europe orientale et plus seulement comme premier rempart à l'impérialisme grand-russe, même si les néoconservateurs américains considèrent que cela doit être sa fonction première. Reste à savoir si la Plateforme civique, formation de droite libérale et europhile, favorable à l'entrée de la Pologne dans la zone euro, conservera le pouvoir où s'il le perdra au profit de Droit et justice, incarnation d'une droite plus conservatrice et catholique, nationaliste, moins europhile et moins subtilement russophobe. Réponse en 2015...