We want freedom !
Par Patsy le lundi, septembre 29 2014, 17:34 - Notes de lecture - Lien permanent
Mumia Abu Jamal
We want freedom : une vie dans le Parti des Black Panthers
Le Temps des cerises, 2011.
Wesley Cook, plus connu sous le nom de Mumia Abu-Jamal, est en prison depuis 1981. Militant des Black Panthers, Mumia Abu-Jamal fait partie de ces militants révolutionnaires, noirs, indiens ou blancs, condamnés à mort ou à la perpétuité à la suite d'un procès qualifié par beaucoup de douteux. L'arrivée au pouvoir de Barack Obama a fait espérer qu'il recouvre la liberté. Peine perdue : si Mumia abu-Jamal a quitté le couloir de la mort, il demeurera en prison jusqu'à ce que mort s'ensuive.
« We want freedom – Une vie dans le Parti des Black Panthers » est issu d'une thèse soutenue par Mumia Abu Jamal à l'Université de Californie. Une thèse qui n'est en fait que l'histoire du Black panthers party racontée par l'un de ses militants, jeune Noir révolté de Philadelphie. Une thèse qui n'a rien d'académique, dépourvue de notes de bas de page, d'appareil critique et toutes ces choses qui effraient d'ordinaire le lecteur lambda. Mumia Abu-Jamal livre ici un témoignage vivant, intime, émouvant même de cette poignée d'années qui fit vaciller l'Amérique blanche.
Il nous entraîne au milieu des années 1960, en Californie, où deux étudiants, Huey Newton et Bobby Seale, lecteurs de Mao Zedong et Frantz Fanon, décident d'organiser la communauté afin de la protéger des violences policières. A la non-violence prônée par Martin Luther King, au retour en Afrique prôné par d'autres, à l'Islam ou au séparatisme, ils opposent l'esprit de Malcolm X, l'internationalisme, l'action directe et renouent les fils d'une histoire longue de résistance à l'oppression.
Parader dans les ghettos les armes à la main n'était pas central pour les fondateurs et ceux qui les rejoignirent. Former une véritable organisation de masse, tel était l'enjeu. Ils n'y parvinrent pas. En cause de nombreuses raisons (immaturité du mouvement, égocentrisme de certains de ses leaders, dissensions internes...), mais l'une des principales est sans doute la répression. Une répression féroce à base d'infiltrations, rumeurs, d'arrestations, de liquidation physique. Une machine à produire de la paranoïa et de l'auto-destruction. Mais une machine qui a produit également de la solidarité.
Selon moi, l'intérêt principal de ce témoignage réside dans la capacité de Mumia à nous plonger dans le quotidien d'un Panther, le quotidien d'un militant révolutionnaire professionnel désargenté, vivant en communauté, avec la bastonnade, la prison ou la mort pour seuls horizons. Un militant qui est aussi, parfois, une militante ; et Mumia consacre de longs développements à la place des femmes dans le parti. Une place importante, essentielle même. Il récuse l'image de parti machiste, viril en soulignant l'apport de « toutes ces femmes remarquables qui furent la gloire (du) parti. » « Il n'est pas question de cacher la vérité, nous dit Mumia Abu-Jamal. Le Parti des Black Panthers a échoué. Il n'a réussi ni à perdurer en tant qu'institution, ni à réaliser ses objectifs politiques. » Mais pour l'un des plus vieux prisonniers politiques d'Amérique du Nord, les « forces qui l'ont fait naître sont bien vivantes. » Et la bavure policière récente de Ferguson est là pour nous le rappeler : peu de choses ont changé pour les Noirs des classes populaires au pays de l'Oncle Sam.