Macron-économie et micro-connerie
Par Patsy le lundi, septembre 22 2014, 19:16 - Question sociale - Lien permanent
Chronique (septembre 2014)
Quand ça va pas, ça va pas. Quand ça veut pas, ça veut pas. Y'a comme un mauvais œil qui traîne là, là et là. On a beau faire tout ce qu'on peut pour que ça passe, eh bin non ! Y'a toujours un truc, un mot, un événement qui vous plombe la journée.
Pauvre François Hollande… Il pensait égayer ses journées en confiant la barre du bateau chavirant du socialisme gouvernemental à Manuel Valls et à son affidé, jeune loup à peine pubère, Emmanuel Macron. Deux Manu pour mettre la France sous tension, ça avait d'la gueule. Mais voilà, quand ça va pas, ça va pas, quand ça veut pas, ça veut pas.
Emmanuel Macron, personne ne le connaissait. Homme de l'ombre, brillant et séduisant dit-on, il incarnait à merveille cette gauche moderne et décomplexée, autrement dit libérale, une gauche pour qui la lutte des classes se réduit à un affrontement entre ENA et Polytechnique.
Imaginez la scène. Manuel Valls prend la parole : « Emmanuel, tu te trimballes une image de banquier à la solde de Rotschild, et ça c'est pas bon pour nos affaires. Il est important que tu parles des pauvres, des gens qui souffrent de la situation sociale, de ce que les gauchistes appellent austérité et qui n'est après tout qu'un léger serrage de collet. »
Alors Emmanuel Macron prit son bâton du mont-Pèlerin et s'en alla éructer son discours de classe au micro de Europe 1. Mal lui en a pris. Car il déclara ceci à propos des salariés de Gad : « Il y a dans cette société une majorité de femmes. Il y en a qui sont, pour beaucoup, illettrées. Pour beaucoup, on leur explique, vous n'avez plus d'avenir à Gad ou aux alentours. Allez travailler à 50 ou 60 kilomètres. Ces gens-là n'ont pas le permis de conduire ! On va leur dire quoi ? Il faut 1 500 euros, il faut attendre un an ? Voilà, ça, ce sont des réformes du quotidien. »
Aussitôt tout le monde lui tomba dessus à bras raccourcis. Il pensait bien faire, prouver à la face du monde que le social-libéral a un coeur et qu'il se soucie des victimes de l'économie à l'heure de la mondialisation. Non, on l'accusa d'être méprisant à l'égard des classes populaires, d'avoir humilié un peu plus des salariés déjà stigmatisés et sur les nerfs.
Je vous avoue être plus que dubitatif devant ce tintamarre médiatique. Par snobisme, je répugne à hurler avec les loups. En fait, entre nous, je ne reproche a priori qu'une chose ou plutôt deux mots à Emmanuel Macron : « pour beaucoup ». S'il avait dit : « Gad emploie en majorité des femmes et parmi celles-ci, certaines sont illettrées », personne n'aurait trouvé à redire, du moins j'imagine, car oui, dans le monde salarié et plus particulièrement dans les secteurs employant une main d'oeuvre peu qualifiée, le recours à l'écrit est devenu accessoire et la formation continue, une sorte de monstre du Loch Ness ; et rappelons que l'école primaire produit tous les ans un pourcentage autorisé de mômes en échec scolaire, ne maîtrisant pleinement pas plus la lecture que l'écriture. J'ajouterai enfin que si l'illettrisme est un handicap dans le monde d'aujourd'hui, il n'est en rien le signe d'un intellect limité, ses victimes insérés socialement ayant développé des stratégies plus qu'audacieuses pour dissimuler aux yeux des autres leurs difficultés.
Bref, certains peuvent hurler sur le Macron, feindre l'indignation, dresser sur leurs ergots politiciens. Il ne font à mes yeux qu'illustrer encore une fois le fait que la politique politicienne est un cirque qui offre souvent la Une au braillard. Ceci étant dit, à moins qu'Emmanuel Macron ne produise des chiffres attestant que les salariés de Gad de sexe féminin sont « pour beaucoup » illettrées, je persisterai à considérer qu'il n'a pas lors de cette matinée funeste proférer une insanité, mais une maladresse. Une sorte de micro-connerie pour un spécialiste de la macron-économie...
Commentaires
dans le même genre, l'expression "faire un geste pour les petits", très à la mode dans les discours gouvernementaux et qui finalement traduit l'abandon de l'idée de redistribution sociale, gaillardement supplanté par la charité des dames patronesses.
On peut dire que le parti socialiste est passé de :
- changeons la société en la réformant par la participation au jeu électoral (première arnaque)
à :
- nous sommes meilleurs gestionnaires du capitalisme que la droite conservatrice
pour finalement aboutir à :
- bien gérer le capitalisme c'est assurer la rentabilité maximale du capital, c'est-à-dire supprimer le code du travail et la protection sociale
cet axiome étant complété par :
- il faut tout de même lâché quelques piécettes aux gueux (à condition qu'ils disent merci)
Et comme tu dis, ce qui est étonnant c'est que lorsque ce discours perce, il fasse tâche, alors qu'il faut être idiot pour être dupe.