Dans chaque camp, on affûta ses arguments, et on trouva même quelques patrons soutenant (le mot est très faible) leurs salariés dans leur combat contre les syndicats réactionnaires.
Dans le dernier numéro de la revue les Cahiers français, Vincent Benard, analyste économique pour l'Institut Turgot, nous livre un vibrant plaidoyer pour le travail du dimanche. La dernière partie de son texte est consacrée aux conséquences sociales du travail dominical, et je ne résiste pas à l'envie de vous en délivrer les meilleurs passages.

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On a beau être libéral, on ne peut cependant pas nier l'évidence : le contrat de travail est un contrat de subordination liant un patron à une personne à la recherche d'un travail pour vivre. On a beau être libéral, on est bien obligé d'admettre que les deux parties contractantes ne sont pas sur un pied d'égalité. En conséquence, Vincent Benard déclare que « même en intégrant des garde-fous à un éventuel texte de loi, une partie des salariés travaillant le dimanche le feront contraints et forcés ». Et d'ajouter : « En période de crainte du chômage, le risque « flexibilité subie » est réel ». Doux euphémisme quand on vit dans un pays comptant plusieurs millions de chômeurs et de travailleurs pauvres. Mais passons...

Nous connaissons tous les conditions de travail régnant dans les grandes surfaces et les grandes enseignes du bricolage et autres. Nous savons à quel point le droit syndical y est bafoué par exemple. Mais cela n'est pas de nature à faire changer d'avis Vincent Benard. Soulignant que les « comportements d'employeurs peu respectueux de leurs salariés existent déjà en semaine », il considère que « le risque de voir ces comportements étendus au dimanche (ne doit pas) servir de prétexte à empêcher le travail dominical sur une base volontaire ». Et d'asséner : « Les peurs des uns doivent-elles brider les opportunités des milliers d'autres ? » Il aurait pu écrire que les peurs de milliers de salariés ne devaient pas brider les opportunités de quelques-uns, mais notre analyste est un optimiste : le directeur de grandes enseignes, globalement, est du type bon gars, pas le genre à mettre la pression sur ses salariés pour qu'ils adaptent leur rythme de vie à celui de l'entreprise, of course. Pour lui, le problème ne concerne que « quelques employeurs aux tendances abusives », pas l'essentiel de la profession. Et d'ailleurs, il le souligne en indiquant que « le meilleur moyen de lutter contre (ces employeurs aux tendances abusives) est de créer les conditions d'un marché du travail dynamique, dans lequel les salariés s'estimant mal traités auront l'opportunité de changer facilement d'emploi. » CQFD : quand la France aura retrouvé le plein-emploi, les salariés pourront négocier de meilleurs conditions d'exploitation, selon la loi de l'offre et de la demande !
Et pour nous convaincre que son point de vue n'est en rien absurde vue la conjoncture actuelle, il nous invite à porter notre regard sur les « économies anglo-saxonnes (qui) ont su plus que la nôtre développer une culture du respect mutuel entre employeurs et salariés, parce qu'il est plus difficile pour un mauvais patron de conserver ses employés. » Veut-il nous parler du contrat « zero hour » qui se développe outre-Manche et transforme les contractants en salariés corvéables à souhait ? Veut-il souligner l'excellence des conditions de travail et des salaires en cours chez Walmart outre-Atlantique, plus grand groupe mondial de la grande distribution, comptant plus d'un million de « salariés », appelés d'ailleurs « associés » et gagnant 6 € de l'heure ? Allez savoir avec de tels apôtres de la liberté individuelle...