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Cette gauche-là a pour nom Front de gauche ou NPA en France, Die Linke en Allemagne, Gauche unie en Espagne ou Syriza en Grèce, pour ne parler que des plus connus. Dans une vie antérieure, cette gauche-là fut social-démocrate, communiste orthodoxe ou trotskyste, ouverte aux nouveaux mouvements sociaux ou centrée sur le mouvement ouvrier, productiviste ou écolo, prête au compromis ou intransigeante. Cette gauche-là a pris la forme d'un parti ou plus souvent d'une coalition électorale baignant dans un écosystème national, donc spécifique. Ses leaders sont parfois des vieux routiers (caciques) de la politique politicienne (comme Mélenchon et Oskar Lafontaine) ou de jeunes cadres issues des luttes.

Vous l'aurez compris, à la lecture de ces 124 pages très denses, j'ai du mal à me persuader de l'existence même de cette gauche radicale, tant les structures qui la « composent » semblent hétérogènes tactiquement et idéologiquement1. Certes, elle défend un Etat social, protecteur, interventionniste et combat la financiarisation de l'économie, mais pour le reste, rien ne l'unit, pas plus la forme organisationnelle que le type de relations qu'elle entend nouer avec les socio-libéraux, et surtout pas une position commune sur l'Europe : certains veulent réformer cette Europe libérale, d'autres considèrent que les institutions européennes fonctionnent tel un étau empêchant toute réforme profonde ; et il en va de même avec l'Euro (en sortir ou pas !).
En fait, cette gauche radicale-là fonctionne au « national » et non à l'internationalisme, d'autant plus que son électorat potentiel2, le plus durement touché par la casse des filets sociaux de protection et le dumping social, a oublié depuis longtemps, malheureusement, que les travailleurs n'avaient pas de patrie. Je n'ai pas le sentiment que Die Linke ait été particulièrement pugnace durant la dernière campagne électorale allemande pour réclamer d'Angela Merkel qu'elle desserre l'étau ordo-libéral à la base des politiques d'austérité à l'oeuvre aujourd'hui. Mais soyons honnêtes : sommes-nous prêts à mourir (électoralement) pour Athènes ou Lisbonne ?
Tel est l'enjeu actuel : quelle solidarité internationaliste dans un espace (l'Europe) construit sur le dumping fiscal et social ? « Les années à venir seront cruciales » écrivent les auteurs. On les croit sur parole...

Notes :
1. Les auteurs présentent quelques structures européennes de coordination (Parti de la gauche européenne, Gauche anticapitaliste européenne, Gauche verte nordique, réseau Transform!) mais ne nous disent malheureusement pas grand chose sur leur activité réelle. Ont-elles une autre ambition que celle de capter des subventions ?
2. Je veux parler ici des classes populaires, alors que sa base militante se compose principalement de membres des classes moyennes intellectuelles (c'est du moins l'image que je m'en fais).