Thibault, Chérèque et Canossa
Par Patsy le mercredi, octobre 27 2010, 12:11 - Question sociale - Lien permanent
Chronique n°2 (28 octobre 2010)
Ah le beau spectacle !
Nous étions le lundi 25 octobre, sur France2. Il y avait là Christian Estrosi, l’ancien sportif de haut niveau, le motocycliste émérite qui pédale désormais pour François Fillon au titre de ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi. A côté de lui, Laurence Parisot, la Dame patronesse du MEDEF. Leur faisant face, les Laurel et Hardy de la lutte des classes, les Bouvard et Pécuchet de la critique sociale : François Chérèque et Bernard Thibault. Et pour célébrer comme il se doit la cérémonie : Yves Calvi, l’ineffable Yves Calvi.
Ah le beau spectacle !
Les premières minutes furent remarquables. Chérèque, brouillon et balbutiant, s’évertua à faire comprendre aux gueux que non, nous n’avions pas perdu la bataille des retraites, mais que nous allions entrer dans une autre phase puisque ladite réforme venait d’être adoptée : CQFD. Thibault, moins brouillon et balbutiant, répéta la même chose.
De quoi sera faite cette nouvelle phase ? J’avoue ne pas avoir bien tout compris. Alors, je me suis rendu sur le site de la CFDT et j’y ai lu ceci : « Nous avons jusqu’ici gagné la bataille de l’opinion. Sondages après sondages, une majorité de Français valide une approche qui est aussi la nôtre : la nécessité d’une réforme juste et négociée. Cela se traduit par un soutien populaire aux manifestations, une confiance en hausse dans les organisations syndicales. C’est à ce jour un acquis indéniable. Il nous place à un haut niveau d’attentes et de responsabilité dans l’issue de ce mouvement et les prolongements de notre action syndicale. Cet élan de sympathie, pour être conservé, exige une prise de distance avec toutes formes de radicalité. La CFDT conteste cette réforme et pèse dans le débat. Elle continuera à le faire dans le cadre de l’intersyndicale en ayant soin de proposer des modes d’action permettant, dans le respect des personnes et des biens, de maintenir la mobilisation des salariés et le soutien de l’opinion. »
Me voici rassuré : afin de sauver un mouvement social qui court à sa perte, la CFDT entend prendre ses distances avec « toutes formes de radicalité » et privilégier des mobilisations respectueuses des « personnes et des biens ». Les manifestations pacifiques n’ont rien donné ? Le gouvernement est resté sourd aux cris des millions de manifestants ? Qu’importe ! Ne changeons pas une stratégie qui est en train d’échouer ! Le réservoir d’une voiture étant un bien qu’il faut respecter, cessons de bloquer les raffineries et les dépôts, cessons de perturber le bon fonctionnement de l’économie capitaliste. Manifestons, marchons dans les clous et advienne que pourra !
Et tout ce discours repose sur des phrases-type du style : « Ce sont les salariés qui décident, pas nous ! » Comme je ne suis plus depuis longtemps un perdreau de l’année, je sais bien, comme nombre d’entre vous j’imagine, que la réalité est bien loin de ce que Chérèque énonce. Les directions confédérales ne sont à l’écoute des masses que lorsque cela les arrange. Comme l’a écrit joliment un internaute : « Le rôle principal des centrales syndicales n’est pas de lutter, c’est d’être central ». Chérèque ne veut pas d’une radicalisation du mouvement, parce que cette radicalisation le marginaliserait.
Et la CGT, qu’a-t-elle a dire sur la nouvelle phase de mobilisations qu’elle nous promet. Pour le savoir, il suffit de se rendre sur son site internet et de lire un texte intitulé « Non, tout n’est pas joué ! ». Là, vous pourrez lire ceci : « Contrairement à ce que le gouvernement souhaiterait faire croire, la loi de réforme des retraites n’est pas encore "bouclée". (…) Le recours devant le Conseil Constitutionnel, qui devrait être introduit par les élus de Gauche immédiatement après le vote des assemblées, suspendrait la promulgation jusqu’aux alentours du 15 novembre. Car le Président de la République ne pourra promulguer la loi que si le texte est validé par le Conseil. Il doit donc attendre l’examen et la décision du Conseil Constitutionnel, et sous réserve qu’aucune censure, partielle ou totale ne soit apportée au texte, ce qui obligerait à la réécriture de la loi. »
Ainsi donc, Thibault nous appelle à nous mobiliser derrière les élus de gauche afin de faire pression sur le Conseil constitutionnel ; un conseil constitutionnel qui compte dans ses rangs un seul homme de gauche, et encore s’agit-il d’un ex, en l’occurrence le facétieux Michel Charasse !
Invité par Nicolas Demorand sur France 5 dimanche dernier, Bernard Thibault est allé même plus loin : il pense que les prochaines manifestations, par leur ampleur, seront de nature à faire plier le Président de la république. Et au journaliste lui demandant s’il croyait vraiment à ce qu’il disait, Thibault répondit : « On n’appelle pas à mobiliser en désespoir de cause ! »
Et bien si, Bernard, tu appelles à manifester en désespoir de cause. Tu vas à Canossa mais tu ne veux pas l’admettre parce que tu ne veux pas perdre la face. Tu ne veux pas plus de la radicalisation du mouvement que ton compère. Tu sais que le défaite est au bout mais tu ne la veux pas humiliante.
Rassure-toi, elle ne le sera pas. Car lundi soir, ni Estrosi, ni Parisot n’ont fait preuve de triomphalisme. Ni morgue, ni mépris, ni arrogance. Ils savent bien qu’ils n’ont rien à gagner à humilier l’adversaire (pardon, le partenaire), puisqu'ils vous savent acquis aux vertus du dialogue social. Ils savent bien que demain sera un autre jour. Ils savent bien que vous avez tant de choses à faire ensemble. Et lundi soir, alors que l'émission touchait à sa fin, nous en eûmes la touchante confirmation. L’assemblée se quitta sur la promesse de rencontres futures concernant l'emploi des jeunes et le chômage des vieux, à moins que ce ne soit l’inverse. Show must go on…
Commentaires
[ EXPRESSION ]
« Aller à Canossa »
[ SIGNIFICATION ]
Céder complètement devant quelqu'un.
S'humilier devant quelqu'un.
Les choses étaient pliées depuis l'intersyndicale nationale du 21.
voici ci dessous les consignes de la CFDT nationale à ses déclinaisons locale pour faire reprendre le boulot, encadrer les initiatives en évitant radicalité et débordement...
Cette note est également instructives sur la construction d'un communiqué commun dans l'intersyndicale : ce qui importe ce n'est pas ce qui est dit dans le communiqué, mais comment ce qui y est suggéré va servir de point d'appui pour défendre sa position.
Du grand art !
Infos rapides CFDT
N° 51 du 22 octobre 2010
Destinataires :
.Bureau national
.Fédérations
.URI
.UD
.Secrétaires confédéraux
Intersyndicale du 21 octobre 2010
Journées de mobilisation des 28 octobre et 6 novembre
L’intersyndicale du 21 octobre a décidé des mobilisations du jeudi 28 octobre et du
samedi 6 novembre. FO et Solidaires ne sont pas signataires du communiqué
intersyndical. FO reste sur sa ligne : grève et retrait de la loi. Solidaires ne veut pas
être signataire d’un texte qui affirme, en particulier, que « les mobilisations syndicales
unitaires » doivent « respecter les biens et les personnes ».
Le communiqué intersyndical (ci-dessous) est un point d’appui important dans la
conduite des intersyndicales à tous les niveaux. Les non signataires, s’ils peuvent se
raccrocher aux mobilisations du 28 octobre et du 6 novembre, ne peuvent pas en
être des organisateurs.
En ce qui concerne les initiatives locales diverses, contrairement à ce que voulaient
Solidaires et la FSU, le communiqué ne soutient pas les « innombrables initiatives
locales ». Le précédent communiqué intersyndical qui insistait sur le respect de la
démocratie dans les décisions d’action (ce qui conduit en particulier aux votes à
bulletin secret dans les AG) et celui du 21 qui met l’accent sur le respect des biens et
des personnes doivent permettre d’encadrer les initiatives en évitant radicalité et
débordements. Ils sont, le cas échéant, des supports pour expliquer pourquoi on n’y
est pas.
Les actions décidées le sont dans la perspective de la promulgation de la loi. Cela
sous-entend, comme le dit la CFDT, qu’après cette promulgation, l’intersyndicale
devra bien reconnaître que nous serons dans une autre configuration puisque nous
ne voulons ni aller sur la contestation de la légitimité parlementaire, ni sur
l’affrontement avec la présidence de la République.
Enfin, le communiqué fait référence aux problèmes d’emploi, de salaires, de
conditions de travail, d’avenir des jeunes qui sont aussi des motivations des salariés
dans les mobilisations actuelles, mais en renvoyant à une prise en charge décalée
par rapport au conflit des retraites pour éviter tout amalgame ou toute action
globalisante.
UNSA, CFTC, comme la CFDT reconnaissent que les mobilisations du 19 octobre
marquent une baisse de la participation des salariés. Solidaires et FSU ont de plus
en plus de mal à justifier leur stratégie de grèves reconductibles qui est en échec.
Communiqué CFDT, CFE/CGC, CFTC, CGT, FSU, UNSA
Les journées du samedi 16 et du mardi 19 octobre 2010 confirment que la mobilisation est ancrée
dans la durée à un haut niveau. Ce sont des millions de salariés qui dans le cadre de ces 6 journées
d’action depuis début septembre affirment vouloir une autre réforme des retraites juste et efficace
et l’ouverture de négociations avec les syndicats.
L’ampleur des mobilisations confirme qu’au-delà de la réforme des retraites, l’emploi, les salaires,
les conditions de travail mais aussi l’avenir des jeunes sont restés sans réponses efficaces
notamment depuis l’aggravation des situations liée à la crise financière de 2008. Les organisations
syndicales conviennent de travailler ensemble sur ces questions dans les semaines à venir afin
d’interpeller le gouvernement et le patronat.
Différents sondages réalisés ces derniers jours confirment que le mouvement recueille un très large
appui de la population confirmant que c’est par un large débat public et une véritable concertation
en amont qu’il faut aborder une réforme importante comme celle des retraites.
Les organisations syndicales appellent leurs organisations à poursuivre leurs mobilisations afin de
rassembler le plus grand nombre et d’amplifier le soutien de l’opinion publique. Elles appellent
leurs organisations dans les territoires, les entreprises, les administrations à poursuivre les
initiatives unitaires. Elles veilleront au respect des biens et des personnes.
Le gouvernement porte la responsabilité pleine et entière de la poursuite de la mobilisation compte
tenu de son attitude intransigeante, de son absence d’écoute et de ses provocations à répétition. Il
ne peut pas répondre à la situation actuelle par le déni et la répression.
Les organisations syndicales appellent solennellement le gouvernement et les parlementaires à ne
pas adopter cette réforme en l’état.
Les organisations syndicales confirment que c’est par un large débat public et une véritable
concertation en amont qu’il faut aborder une réforme importante comme celle des retraites.
Fortes du soutien des salariés, des jeunes et d’une majorité de la population et face à une attitude
intransigeante du gouvernement et du chef de l’Etat, les organisations syndicales décident de
continuer et d’élargir la mobilisation.
Elles décident de deux nouvelles journées de mobilisation :
le jeudi 28 octobre : une journée nationale de grèves et de manifestations dans la semaine
du vote au Parlement.
le samedi 6 novembre : une journée de mobilisations et de manifestations avant la
promulgation de la loi par le chef de l’Etat.
Les organisations syndicales se retrouveront le 4 novembre.
Le 21 octobre 2010
NB : cette note a été publiée sur différents supports publics de syndicats CFDT,
notamment :
- Sur le Blog des communaux de la CFDT Marseille Provence Métropôle
- Sur le site du SYNDICAT CHIMIE - ENERGIE CFDT De HAUTE ? NORMANDIE
Si je comprends bien, Le CGT et la CFDT nous convient à un grand baroud d'honneur, une grande fête populaire, une magnifique kermesse pour célébrer la défaite en rase campagne de la stratégie des Pifs et Tondus du syndicalisme français !!!
Vive nous!
à+