Je pourrais vous parler des « affaires » et autres péripéties qui ont marqué les dernières années de Charles Pasqua et dont certaines ont fait l’objet de procès. Je pourrais vous parler du SAC, du Service Action civique, célèbre structure politico-barbouzarde dans laquelle notre homme baigna pendant dix ans, de 1959 à 1969, avec le discret Jacques Foccart, éminence grise du général, spécialiste en coups tordus, notamment en Afrique. Et justement, c’est d’Afrique dont j’aimerais vous parler, parce que Charles Pasqua y joua un rôle non négligeable.

Les relations franco-africaines depuis les dites Indépendances sont marquées par trois phénomènes. Tout d’abord, il y a une grande continuité entre les politiques menées par de Gaulle et tous les régimes qui se sont succédé ; la victoire de François Mitterrand en 1981 n’a changé en rien la nature de ces relations. Ensuite, il y a une très grande personnalisation des relations : la politique africaine de la France demeure entre les mains du Président de la République ; c’est sa chasse gardée. On peut se gausser de cela, mais il n’en demeure pas moins que les relations entre l’Etat français et la plupart des anciennes colonies sont singulières et bien différentes de ce que l’on retrouve d’ordinaire sur la scène internationale. Il y a enfin et surtout le poids du clientélisme et des réseaux : la politique gaullienne a consisté à installer au pouvoir, au moment des Indépendances, des régimes autoritaires. L’Etat français s’est donc constitué un réseau d’Etats-clients vivant par et de la corruption. C’est Jacques Foccart qui a mis en place ces réseaux économico-politiques (pour ne pas dire mafieux) capables à la fois de « nourrir » les entreprises françaises faisant leur beurre en Afrique (en empêchant l’installation d’investisseurs anglophones par exemple) et d’assurer à la cinquième république une camarilla d’Etats « indépendants » mais capables de la soutenir à l’ONU. Avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, ces réseaux ont été « réorganisés », les réseaux gaullistes cédant un peu de leur pouvoir aux nouveaux réseaux mitterrandiens.

Charles Pasqua fut l’un des acteurs de ce système françafricain dans les années 1980, épaulé par des personnages aussi respectables que Didier Schuller ou le préfet Marchiani. Inutile d’évoquer ici les frères Feliciaggi, honnêtes commerçants comme il se doit… même si l’un d’eux, Robert, a été assassiné en 2006. Inutile également d’évoquer Pierre-Philippe Pasqua, le fils, apôtre de l’amitié entre les peuples, comme son papa. Comme notre président. Car ne l’oublions pas, Nicolas Sarkozy est une sorte d’héritier de Charles Pasqua ; un héritage qui dépasse largement les Hauts-de-Seine. Certes, ils se sont faits quelques coups bas mais ils ont toujours su trouver les ressources pour rebondir. Et puis Nicolas, qui déclarait en 1983 que Charles Pasqua était « l’un des hommes les plus honnêtes » qu’il connaissait a toujours su s’entourer : j’en veux pour preuve la nomination de Claude Guéant, ancien directeur général de la Police nationale quand Pasqua était ministre de l’Intérieur, au poste de secrétaire général de l’Elysée depuis mai 2007.

Bref, comme il est de coutume en terres françafricaines, on prône régulièrement la « rupture », le « changement », la « nouvelle approche ». Tout changer pour que rien ne change, en somme. Nicolas Sarkozy a joué le même sketch à Dakar. Mais bon, comme le disait si bien son mentor à l’accent chantant de Corse : « Les promesses des hommes politiques n'engagent que ceux qui les reçoivent ». On ne saurait être plus clairs.