Z, revue itinérante de critique sociale, est né du côté de Montreuil avec une envie : montrer que « les gens sont capables de s'organiser – seuls ou en collectifs – sans les institutions, sans l’État, sans tous les dispositifs de gestion dans lesquels ils vivent de plus en plus. » Julien, membre de Z, ajoute : « Nous sommes capables de nous débrouiller par nous-mêmes, de vivre bien, tout en contournant ces dispositifs. C’est là qu’à notre avis, il y avait un manque : personne ne fait le récit de la manière dont nous pouvons nous organiser. C’est de cette volonté qu’est née Z : décrire les luttes de ceux qui agissent sans attendre qu’on leur dise d’en haut comment faire. » Z propose donc une « critique de la société tout en rentrant en discussion avec les différentes réalités rencontrées. » mais avec le souci d'être lu et entendu en dehors du cercle étroit du milieu anticapitaliste ou libertaire : «  Il faut que les gens ne connaissant pas le milieu anar, autonome, libertaire (ou je ne sais quelle autre catégorie débile), puissent rentrer dans notre revue sans être repoussés par des aspects un peu trash, une orthographe boiteuse ou des phrases qui se répètent. Ce n’est pas parce qu’on est à gauche qu’on doit faire du moche ! »

Et puis Z est itinérante. Ils sont passés par le Tarn, Marseille, Amiens et depuis quelques semaines, ils sont sur Nantes. C'est à cette occasion qu'il m'a été donné de les rencontrer ainsi que l'équipe de Magazine libertaire qui les a interviewés sur cette antenne la semaine passée.
Leur passage en ces lieux ne doit rien au hasard. Ce sont des lieux qui sont marqués par des luttes, des mobilisations qui questionnent le monde tel qu'il va. Dans le Tarn, ils se sont intéressés aux nanotechnologies appliquées à l'élevage des brabis et à l'incarcération des mineurs car fonctionnait dans le village de Lavaur un EPM. A Marseille, ils ont été confrontés à la mutation urbanistique de la seconde ville de France où les quartiers pauvres du centre-ville sont appelés à disparaître, remplacés par de l'habitat de standing. A Amiens, ils ont rencontré ces ouvriers en lutte, notamment ceux de l'industrie du pneumatique dont les pratiques ont secoué le syndicalisme ronronnant des confédérations syndicales. A Nantes, il ne fait aucun doute qu'ils s'interrogeront sur les luttes actuelles et passées relatives au nucléaire et à l'aéroport, et qu'ils questionneront la politique municipale en matière de développement urbain.

Donner du temps au temps, tel est le principe qui anime la revue. Marie défend ce choix : « Notre temporalité nous permet de sortir du champ habituel du journalisme soumis à des contraintes économiques qui lui font produire, le plus souvent, un travail déplorable. Par exemple, quand on est allé à la rencontre des usines et de ceux qui y travaillent, à Amiens, le lien a mis du temps à se créer. La première fois qu’on s’est rendus à une assemblée générale de Continental ou sur le parking de Goodyear, les gars nous prenaient pour les journalistes habituels… Et puis, au bout de trois semaines, nous voyant revenir à leurs AG ou sur le parking, ils sont venus nous demander : « Mais vous êtes qui, vous ? » Quand on leur expliquait qu’on était là pour un mois ou deux, qu’on habitait dans un camion garé à 10 km, qu’on voulait parler de leur lutte et de la manière dont ils s’organisaient, de la manière dont ça pouvait faire écho à d’autres expériences passées nous semblant porteuses de perspectives désirables, le rapport a changé. Ils sentaient qu’on n’était pas dans la même temporalité ni dans un rapport utilitariste. La rencontre peut ne pas se faire tout de suite, ce n’est pas grave ; ou ne pas se faire du tout, ce qui nous est déjà arrivé.

On se donne le temps d’aller à la rencontre d’un sujet et de personnes, mais aussi de participer. Les Continental, par exemple, on a passé du temps avec eux dans les AG, on les a accompagnés quand ils ont été soutenir les faucheurs volontaires à Versailles, on est allé à l’audience et au rendu du procès. On est censé les revoir parce qu’on essaye d’organiser une rencontre avec les gens de Plogoff à Nantes, pour mettre en commun leurs expériences de lutte. »

Et cette rencontre, organisée par Pol'N, Z et la Lettre à Lulu se tiendra samedi prochain, le 8 mai, à 15h précises à Pol'N, 11 rue des Olivettes. A cette occasion, vous pourrez voir un film retraçant la lutte des travailleurs de Continental et discuter ensuite avec quelques militants ouvriers de la boîte. A 18h, les organisateurs vous invitent à un débat autour de la lutte contre l'aéroport et à une réflexion collective sur les pratiques de lutte d'hier et d'aujourd'hui. Faites comme moi, allez-y !