Alban Beaudouin et Jean-Loup de Saint-Phalle, Le coût de la mort. La Sécurité sociale jusqu’au bout, Editions du Détour, 2025.
Celles et ceux qui ont eu à assumer le décès d’un proche le savent, l’organisation des obsèques est un moment singulier où l’on doit gérer, outre ses émotions, les attentes du défunt et de la famille ainsi que le regard que les autres porteront inévitablement sur la cérémonie. Avec Le coût de la mort, livre publié par les éditions du Détour, les historiens Alban Beaudouin et Jean-Loup de Saint-Phalle nous proposent de réfléchir à l’organisation concrète des obsèques et de « faire advenir une nouvelle institution : la Sécurité sociale de la mort ».
A l’heure où l’on nous serine que la Sécurité sociale doit être réformée afin d’éviter la faillite, proposer une telle chose peut sembler incongru, voire délirant. Elle ne l’est pas et les auteurs rappellent que la ville de Genève, depuis 1876, prend en charge les obsèques de ses ressortissants.
Les auteurs proposent donc la création d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale qui reposera sur le principe de la cotisation, et qui permettra à chaque famille de disposer de 4000 € pour organiser la cérémonie de leur proche (c’est le coût moyen d’une cérémonie actuellement). Cette cotisation se substituerait à la « très controversée CRDS que chaque mois nous versons actuellement aux marchés financiers ».
Il faut arracher la mort des mains du capitalisme funéraire, car la mort est devenu un business comme un autre, où le luxe côtoie le low cost, où certains profitent de la détresse des familles pour vendre des prestations, où quelques grands groupes accaparent le marché. Il en faut pour toutes les bourses, dit-on, mais « il y a une grande violence à dépendre de la générosité ou de la pitié d’autrui » quand on souhaite organiser une cérémonie digne au défunt.
Fondateurs du collectif Pour une Sécurité sociale de la mort, les deux auteurs proposent de réformer de fond en comble le système actuel par la mise en place de collèges funéraires dont la première mission sera de définir ce qui doit être remboursé, autrement dit de « fixer des limites aux rites remboursés » la Sécurité sociale. Le système reposera sur le conventionnement des professionnels du secteur, ce qui permettra à des structures marginalisées aujourd’hui, comme les coopératives, de ne plus subir la concurrence des grands groupes. Ne seront conventionnées que celles qui se conforment au cahier des charges qui sera mis en place ; un cahier des charges qui peut pousser le secteur à se moderniser et à en finir avec des aberrations : le granit de France est expédié en Inde pur y être travaillé avant de nous revenir...
Les auteurs s’intéressent également aux salariés des entreprises concernées. Il faut renforcer leur formation initiale, les préserver des accidents du travail, très nombreux dans le secteur, mais aussi les aider psychologiquement à vivre au contact de la mort, chaque jour, ainsi que sécuriser leur profession en leur donnant ce que Bernard Friot appelle un salaire à vie.
Plus largement, puisque « le tabou autour de la mort empêche d’en faire un sujet démocratique », les auteurs nous invitent à imaginer une éducation à la mortalité… ce que font déjà nos voisins suisses.