Collectif, L’Usine. Parcours de femmes et d’hommes à Tréfimétaux, Une Tour une histoire, 2022.

A l’entrée de la ville de Couëron (Loire-Atlantique), se dresse en bord de Loire une tour à plomb, vestige d’une usine qui a marqué de son empreinte l’histoire de la cité : Tréfimétaux. Depuis un quart de siècle, un groupe d’anciens salariés et syndicalistes la fait revivre grâce à des ouvrages touchant à la fois au métier et aux luttes sociales. Les cinéastes René Vautier et Soizig Chappedelaine immortalisèrent l’une d’elles en 1978 avec leur remarquable documentaire « Quand les femmes ont pris la colère ». Cette vie tumultueuse est au coeur de bien des témoignages recueillis pour le dernier opus, L’Usine. Parcours de femmes et d’hommes à Tréfimétaux.

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En 200 pages, quinze anciens salariés de cette entreprise métallurgique, hommes ou femmes, de toutes générations, évoquent leurs premiers pas dans l’univers usinier. Ils évoquent la dureté physique de certains postes de travail et la recherche sempiternelle de productivité. Comme le dit René du laminoir, « Le travail vite fait et le travail bien fait vont rarement ensemble. Avec le barème, tu négliges le travail car seule est prise en compte la quantité. » Ils parlent également des relations tendues avec la maîtrise et les chefaillons, ou encore avec les vieux ouvriers, peu disposés à partager leurs savoirs et combines. Ils parlent encore des 3x8 qui épuisent les corps ou du turn-over.

La vie syndicale n’est pas oubliée car c’est elle qui a fait de Tréfimétaux une usine à part. L’arrivée d’une nouvelle génération ouvrière au début des années 1970 n’y est pas étrangère. Gauchistes encartés, établis maoïstes ou jeunes portés par l’atmosphère de mai, ils vont bousculer les us et coutumes syndicales, d’autant plus que la CGT de l’entreprise est un syndicat et non une section syndicale ; autrement dit, elle est institutionnellement moins dépendante des structures interprofessionnelles de la CGT qui s’efforcent de contenir le gauchisme ouvrier.
La volonté du noyau dur militant est claire : travailler à ce que le syndicat soit l’affaire de tous en recourant régulièrement à la tenue d’assemblées générales décisionnaires. De tous et de toutes, car il est hors de question que le syndicalisme soit une affaire d’hommes !

Cette nature singulière du syndicat CGT fut sa force, car jusqu’au mitan des années 1980 et la fermeture de l’usine, malgré les engueulades et les désaccords, il sut rester soudé. Communistes, socialistes, chrétiens de gauche, gauchistes de toutes obédiences… aucune tendance ne prit le risque du clash. Puis vient la fin, rude. Lutter contre la fermeture d’abord, puis pour sauver ce qui peut l’être...

Comment ne pas être marqué à vie par une telle aventure humaine ? Comment faire sa vie, ailleurs, sans amertume ? Comment s’inventer une autre vie, loin de laminoir, loin de l’atelier ? « A la fermeture, tu es face à un trou béant. Tu te retrouves confronté d’un coup au vide, seul. Je crois que nous avons tous eu la même sensation. (…) Pendant des années, je ne suis pas capable de parler de Tréfimétaux : c’est bloqué, fermé, coincé ». Comme toutes et tous, Yves a eu du mal à « faire le deuil » mais, comme l’écrit le postfacier, « tous (en sont sortis) grandis, avec plus d’assurance dans leurs convictions sociales et politiques, et leur identité socioprofessionnelle de travailleurs ».

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