Cédric Hugrée et Tristan Poullaouec, L’université qui vient. Un nouveau régime de sélection scolaire, Raisons d’agir, 2022.


En finir avec Parcoursup mais ne pas s’en contenter. Telle pourrait être la leçon à retenir du livre de Cédric Hugrée et Tristan Poullaouec « L’université qui vient. Un nouveau régime de sélection scolaire » publié par les éditions Raisons d’agir.

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Le constat est sans appel, et la solution, évidente. Trop d’étudiants échouent lors de leur premier cycle universitaire. Afin qu’ils ne perdent plus leur temps dans les amphithéâtres et qu’ils cessent de s’illusionner sur leur potentiel, confions à Parcoursup le soin de leur indiquer la voie la plus raisonnable à suivre. C’est donc pour le bien commun que l’on fait « accepter à une partie de l’opinion publique la sélection à l’entrée à l’université ».
Les sociologues Hugrée et Poullaouec ont pris à bras-le-corps le problème posé dans le but de « rouvrir le débat sur le droit à la réussite », conscients qu’il ne « suffit plus de réaffirmer la liberté de choisir l’université pour tous les bacheliers (mais de) trouver comment lever les obstacles qui les empêchent d’y étudier correctement ».

La culture anti-école n’existe plus qu’à l’état fragmentaire dans les classes populaires1. Aller jusqu’au bac, voire au-delà, fait partie des attentes parentales, mais tous les rejetons des dites classes ne sont pas logés à la même enseigne. Les classes populaires forment un univers fragmenté où se côtoient des propriétaires et des locataires, des ouvriers et des petits fonctionnaires, des urbains et des ruraux, des diplômés, et tous ces clivages, sans oublier évidemment les capacités financières à assumer les études supérieures, jouent sur la scolarité des enfants2 ; d’où la nécessité de s’intéresser au « passé scolaire » et pas seulement social des étudiants en échec, car « c’est bien avant leur entrée à l’université que se joue pour l’essentiel (leur) réussite ». Les auteurs le rappellent : « seuls 15 % des licenciés sont entrés en sixième en figurant parmi la moitié des élèves les moins performants », autrement dit, « la principale raison du décrochage reste la difficulté scolaire précoce ».

Dans la cohorte annuelle des étudiants, beaucoup sont ainsi des rescapés que la plongée dans ce nouvel univers fragilise. Les bacheliers des filières technologiques et professionnelles3 sont du lot surtout s’ils doivent conjuguer études et petits boulots. Et ils sont d’autant plus fragilisés que l’université est incapable de les aider puisqu’elle manque de tout, d’agents d’entretien comme d’enseignants-chercheurs ou de bibliothécaires. Comme le soulignent les auteurs, « la licence générale est en passe de devenir le parent désargenté du premier cycle ». Si l’on veut que davantage d’étudiants réussissent, il faut augmenter le montant des bourses pour leur apporter une plus grande autonomie financière, et mieux les encadrer, en leur accordant du « temps d’enseignement supplémentaire (afin de) les entraîner continûment aux techniques du travail intellectuel ». Il faudra également en finir avec Parcoursup, qui n’a en rien réglé les problèmes d’orientation mais renforcé la sélection et ajouté de l’angoisse à l’incertitude. Les auteurs avancent même une idée audacieuse : la création d’un bac unifié de « haut niveau de culture commune » dans un « lycée unique » afin de « rompre avec l’école de classe à la française ». Vaste programme !


Notes
1 Rappelons-le, les parents des classes populaires sont très impliqués dans le destin scolaire de leur progéniture. Ils ne sont pas démissionnaires comme on l’a longtemps entendu.
2 « Les étudiants issus des classes populaires qui obtiennent une licence viennent le plus souvent des familles les plus qualifiées de ces milieux sociaux ».
3 Lors de sa création en 1985, le bac pro n’était pas pensé comme voie d’accès à la fac.