Guillermo Thorndike, Le tunnel. L’histoire vraie d’une évasion de prison, Syllepse, 2020.

En janvier 1990, une spectaculaire évasion de militants révolutionnaires secoue le Chili du dictateur Pinochet à l’heure de la transition démocratique1. En juillet de la même année, c’est au Pérou que des guérilleros du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA) prennent la poudre d’escampette. C’est de cette évasion rocambolesque dont nous parle Guillermo Thorndike dans Le tunnel. L’histoire vraie d’une évasion de prison, publié par les éditions Syllepse.

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Ce livre a une histoire singulière. Edité en 1991, il fut écrit dans la plus grande discrétion par un journaliste péruvien célèbre, Guillermo Thorndike, qui passa une semaine, enfermé dans le plus grand secret avec pour seule compagnie un dirigeant du MRTA et une pile de cassettes audio contenant le témoignage des évadés et de ceux qui, de l’extérieur, avaient travaillé à leur libération.
Témoigner et dire sa vérité avant que les mensonges d’État n’envahissent l’espace médiatique. Tel était le but que se fixait le MRTA. Et Thorndike se mit au travail. Cela donne un récit enlevé, haletant, parfois drôle et toujours instructif sur le Pérou convulsif d’alors où se côtoyaient, s’affrontaient ou s’acoquinaient guérilleros, narco-trafiquants, mafieux et politiciens, où la lutte anti-subversifs autorisaient tout.

Depuis plusieurs années ou seulement quelques mois, des militants du MRTA, dont leur chef Victor Polay Campos, se morfondent dans la prison de haute sécurité de Canto Grande. Leurs camarades qui ont échappé à la répression décident de les en sortir.
Pour cela, il leur fait louer une maison proche de l’établissement pénitentiaire et se lancer, en toute discrétion dans la construction d’un tunnel long de 300 mètres. Travail harassant accompli sans relâche par des équipes de taupes. Evacuer la terre, protéger et ventiler le tunnel, garantir la sécurité des creuseurs, nourrir chaque jour une vingtaine de personnes, et tout cela sans se faire repérer par la police, sans intriguer la population et sans être trahis ; et surtout, espérer que le gouvernement ne se décide sur un coup de tête à disperser les prisonniers ou à les changer de blocs. Les semaines et mois passent, et ils redoublent d’ardeur à l’approche des élections présidentielles du printemps 1990 qui devraient voir la droite réactionnaire péruvienne hériter du pouvoir à Lima. Une véritable course contre la montre. Et il s’en fallut de peu que ce projet fou ne tombe plus d’une fois à l’eau ou que le désespoir ne s’empare des troupes.

Après 848 jours d’effort et non 365 comme envisagé, vient le temps de la délivrance. Nous sommes le 8 juillet 1990 et les Tupamaros peuvent remercier les footballeurs argentins et allemands qui s’affrontent au stade olympique de Rome. La coupe du monde accapare l’attention des gardiens, et on se saoule allègrement pour l’occasion. C’est ainsi que la plupart des prisonniers ont pu s’enfuir de la prison de haute sécurité dans l’indifférence générale : « L’impossible a été accompli ».


1. Xavier Montanya, Les derniers exilés de Pinochet, Agone, 2009.