La boucle est ainsi bouclée : outre le fait que le musulman ne peut être qu’Arabe ou tout comme1, l’Arabe musulman a toujours le couteau entre les dents, même si parfois, ce couteau-là, on ne le voit pas. Contre cela, que peut une argumentation rationnelle ?

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Converti à l’Islam, Omero Marongiu-Perria, sociologue spécialiste des religions, fut membre des très radicaux Frères musulmans avant de s’éloigner tout aussi radicalement de cette confrérie-phare de l’islam politique et de plaider pour un islam de paix et le dialogue entre les religions.

Les idées fausses que l’auteur s’efforce de corriger dans ce livre sont au nombre de 82. Elles portent autant sur l’histoire (tourmentée !) de l’islam (religion)/Islam (civilisation), la nature du Coran (parole et exégèse, relation avec le droit), le rapport religion/politique, que sur la laïcité, le sexisme, la tolérance, la citoyenneté, l'homosexualité, l’apostasie… Chacune fait l’objet d’un commentaire court et synthétique, le but étant de faire de ce livre un « outil simple et pratique » contre les clichés, les confusions, les amalgames. Pour se faire, l'auteur (qui fut imam) s'appuie bien évidemment sur le Coran dans lequel il s'en va puiser les sourates confortant ses choix et convictions, comme tout croyant ou incroyant le ferait. Alors qu'il rappelle que le texte coranique est « le produit de la transcription humaine de la parole divine », l’auteur exclut de toute critique le texte lui-même comme si celui-ci ne pouvait pas se prêter à une lecture bien moins ouverte que celle dont il se fait le promoteur. A l'en croire, ce sont donc les exégètes qui, par dogmatisme, puritanisme, littéralisme…, auraient « trahi » la parole de Mahomet en l'interprétant mal ou en négligeant de la contextualiser. Le Mahomet guerrier et homme politique, si bien décrit jadis par Maxime Rodinson (Mahomet, Seuil, 1961) tient ainsi peu de place dans ces pages.

Si les rayons de bibliothèque regorgent d’ouvrages érudits sur l’islam, son histoire, ses écoles juridiques (citons les travaux très divers dans leurs approches et leurs angles d’attaque de Mohamed Arkoun, Olivier Roy, Maxime Rodinson, Jean-François Bayart, Nadine Picaudou, Jacqueline Chaabi, Mathieu Guidère… liste o combien non exhaustive), je n’ai pas le souvenir d’avoir croisé un tel vademecum, sérieux dans ses développements tout en restant abordable et didactique2. L’athée que je suis (qui, avec l’âge, a compris que « le prolétariat ne se nourrit pas de curés » comme l’a écrit jadis Camilo Berneri3) a pris un réel plaisir à parcourir ces pages et ne peut que souscrire à ces mots de l'auteur : « Il n'existe pas plus d'uniformité chez les musulmans que chez les adeptes des autres religions. (…) (Evitons) de tout analyser à travers le seul prisme de la religion. »

Notes
1. L'auteur rappelle opportunément que 80 % des musulmans ne sont pas Arabes, mais Indonésiens, Pakistanais, Indiens, Nigérians...
2. Je n'oublie pas Islam – Approche critique de Mohammed Arkoun (1998), republié sous le titre ABC de l'Islam – Pour sortir des clôtures dogmatiques (Grancher, 2007).
3. Camillo Berneri, Oeuvres choisies, Editions du Monde libertaire, 1988, pp. 144-151.