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En moins de deux cents pages, Eric Walravens nous plonge dans cette Europe rongée par la concurrence que se livrent les Etats pour attirer sur leur sol les investisseurs et autres multinationales ; une Europe toujours prompte à pointer un doigt accusateur sur ces îles servant de paradis à ceux qui en ont les moyens, oubliant de battre sa coulpe et d'admettre qu'elle a permis qu'en son sein des paradis émergent également. Belgique, Luxembourg, Irlande… la liste des pays aux politiques fiscales avantageuses est longue comme le bras ; avouons-le, conséquence du chantage dont ils sont désormais les "victimes", tous les Etats ont développé des dispositifs permettant l'optimisation fiscale ou laissé leurs grandes entreprises en profiter. Si tout le monde ne vit pas de l'optimisation fiscale, tout le monde en croque à un moment ou un autre. Cependant, rares sont les analystes à considérer que la concurrence fiscale est un facteur important de développement économique véritable. Eric Walravens montre que beaucoup de films se tournent aujourd'hui en Belgique pour bénéficier d'avantages fiscaux, et que cela a créé peut-être quatre mille emplois, mais tout cela au prix de déductions fiscales se montant à une centaine de millions d'euros. Cela fait cher l'emploi créé, non ?

L'Europe libérale a mis le doigt dans un engrenage et ne parvient pas à s'en sortir à l'heure où le contribuable lambda s'insurge de voir les riches et les multinationales échapper peu ou prou à l'impôt direct ou sur les sociétés, à l'heure où les politiques d'austérité frappent les populations, à l'heure où « la colère gronde contre le grand casino mondial » . En sortir, oui, car l'heure est à l'harmonisation, à la régulation et aux règlements de comptes au sein de la Communauté européenne, bien aidée en cela par la politique offensive de l'hyper-puissance américaine qui, elle-aussi, s'est mis en tête de mettre un terme à la fraude fiscale de ses nationaux.1 Mettre de l'ordre, oui, mais sans précipitation, histoire de ne pas effrayer l'investisseur (qui, en bon libertarien, ne supporte pas les contraintes !) et de permettre à chacun d'« initier des stratégies fiscales à la fois attractives et respectueuses des bonnes mœurs européennes. » De quoi donner beaucoup de travail aux juristes et fiscalistes dont la créativité, mortifère pour les politiques sociales, n'est plus à démontrer...

Note
1. La législation FACTA impose aux banques sous peine d'amende de transmettre à l'administration américaine les données des contribuables américains, autrement dit de liquider le secret bancaire.