Québec : un printemps rouge et noir
Par Patsy le lundi, juillet 7 2014, 13:41 - Notes de lecture - Lien permanent
Marcos Ancelovici et François Dupuis-Deri (sous la direction de)
Un printemps rouge et noir – Regards croisés sur la grève étudiante de 2012
Ecosociété, 2014
Au printemps 2012, le Québec fut secoué par un mouvement étudiant d'une force et d'une tonalité rares. Durant plusieurs mois, de très nombreux étudiants ont bloqué les universités, investi les rues et secoué le cocotier néolibéral pour protester contre la hausse importante des frais d'inscription à laquelle l’État entendait les soumettre. Bien plus, c'est un système social générateur d'inégalités et de frustrations qui fut visé par cette révolte de la jeunesse éduquée.
Un Mai-68 sur le Saint-Laurent ? N'exagérons pas ! Mais il est évident que ce mouvement revendicatif a, dans ses formes organisationnelles et dans son discours, rappelé que le refus du néolibéralisme, de la démocratie bourgeoise et du caporalisme militant était plus actuel que jamais, bien que le reflux de l'altermondialisme ait pu laisser penser le contraire.
La tonalité révolutionnaire et libertaire de ce mouvement ne pouvait qu'attirer l'attention et stimuler l'esprit critique d'intellectuels, chercheurs et militants, désireux d'analyser à chaud ce « printemps érable ». Et il revenait évidemment aux éditions Ecosociété de nous aider à poursuivre la réflexion (on leur doit déjà De l'école à la rue – Dans les coulisses de la grève étudiante, 2013).
Sous la houlette de Marcos Ancelovici et Francis Dupuis-Deri, ce sont donc une vingtaine d'auteurs qui nous proposent leur regard critique sur ces semaines d'affrontements parfois rudes avec l’État québecois, et sur un territoire davantage marqué par le conformisme que par l'esprit de sédition.
Regard critique et parfois sévère sur un mouvement qui n'hésitait pas à afficher ses exigences éthiques en terme de fonctionnement, et qui eut bien du mal à tenir toutes ses promesses : pas facile d'éviter les pièges des médias, du pouvoir, de l'institutionnalisation, pas facile de faire vivre la démocratie directe, la rotation des tâches (et la non-sexualisation de celles-ci) et l'égalité hommes-femmes ; et il n'est guère plus facile d'envahir l'espace public, de faire partager sa colère à la société civile et d'instiller le virus de la démocratie directe dans les quartiers populaires.
Regard critique, sévère mais indispensable et salutaire. Il faut apprécier à sa juste valeur cette volonté, pas si fréquente, d'interroger ses pratiques après les avoir passé au « révélateur social ». Se remettre en question donc, gagner en expérience et se préparer aux combats à venir contre l’État, l'establishment politique mais aussi « l'incroyable force d'inertie que porte la masse majoritaire ».
Je ne sais quand la vieille taupe redeviendra un objet de désir pour les dominés ; en revanche je suis convaincu que ce moment d'engagement fort et radical marquera profondément le devenir politique et social de cette génération d'étudiants.