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L'auteur, psychologue clinicienne exerçant à Nantes, a suivi de nombreuses femmes battues, les a écoutées longuement évoquer les flambées de violence, les coups, les insultes, mais aussi leur rêves de femme amoureuse, déstabilisée, honteuse... Elle leur donne la parole dans ce livre issu d'un travail universitaire que le préfacier a tort, selon moi, de laisser penser qu'il n'est destiné qu'à un public de professionnels de l'intervention sociale. Car il y a beaucoup à apprendre à écouter Lise, Manon, Amel, Sarah, Edith et Carole.

Il n'y a point de portrait-type de la « femme battue ». On la retrouve dans tous les milieux sociaux, et quel que soit son bagage culturel. Hasard peut-être, les six interlocutrices ont toutes eu pour père un homme affectueux... et une mère dure et autoritaire.
Six femmes donc, six destins douloureux et six trajectoires singulières.
Six femmes aux prises avec des hommes froids, sanguins, manipulateurs, castrateurs, jaloux mais volages, des brutes épaisses au « sang chaud », des pervers narcissiques au « sang froid ». Six femmes aux prises avec l'amour qu'elles leur ont portés avant, enfin, de se résoudre à fuir.
Enfin. Car il en a fallu du temps, des coups et des larmes pour qu'elles se résolvent à faire une croix sur leur histoire d'amour. Elles ne sont pas restées aux prises de cet homme violent par masochisme comme certains le pensent ou par passivité, mais parce que lorsque « la femme ne comprend plus son partenaire, elle ne se comprend plus elle-même. » L'emprise se tient là : dépréciée, humiliée par son compagnon, la femme battue perd pied y compris dans sa capacité à se faire juge d'elle-même. Elle se sent coupable, ou pas complètement innocente de ce qui lui arrive (car s'il tape, n'est-ce pas la preuve qu'elle est incapable de le rendre heureux?) ; elle n'écoute pas celles et ceux qui l'enjoignent de rompre ; elle a honte de sa situation ; elle a honte d'aimer encore cet homme brutal, mais parfois si tendre et repentant : « quand on ne peut plus faire confiance à ses pensées, ses perceptions ni aux sensations de son corps... l'estime de soi perd ses assises. » Partir. Certaines s'y résolvent parce qu'elles pressentent que le prochain coup pourrait être mortel, que des enfants sont en jeu, qu'elles en ont fini d'espérer.
Elles ne partent pas pour se reconstruire mais pour poursuivre le travail de reconstruction et réapprendre à dire « non ! ». Car comme le dit Manon, « être capable de dire non, c'est la clef pour bien vivre. »