Yoani Sanchez est une intellectuelle cubaine, opposante au régime en place. Sur son blog, elle s'est saisie de cette mésaventure pour stigmatiser l'élite politique cubaine : « Ceux qui nous gouvernent n'ont pour ainsi dire aucune expérience des problèmes qui sapent notre quotidien (…) Ils ne peuvent pas nous gouverner, puisqu'ils ne nous connaissent pas (…) Cela fait trop longtemps qu'ils sont perdus dans un monde de privilèges, de confort et de luxe en tout genre. »
Les dirigeants cubains ne connaissent donc pas plus la faim que les logements insalubres, les bus bondés et les routes défoncées. Ils ont donc plusieurs points communs avec les élites politiques des pays dit démocratiques, mais je ne sais si Yoani Sanchez en est elle-même convaincue...

Chine
A l'approche du 18e congrès du Parti communiste chinois, les règlements de comptes se multiplient. Bo Xilai vient d'en faire les frais. Ce notable, membre du bureau politique et homme d'affaires richissime, vient d'en faire les frais. Il faut dire que l'affaire est grave : sa femme est accusée de meurtre, son bras droit de malversations diverses et lui-même, de trafic d'influence et de corruption. L'affaire est d'autant plus grave que Bo Xilai s'était forgé une solide réputation... d'incorruptible !
Dans Caixin Wang, journal pékinois, la journaliste Hu Shuli intervient de façon très intéressante sur cette affaire, écrivant : « Il est indispensable d'approfondir les réformes tous azimuths, en particulier celle du système politique. » Elle souligne que l'affaire Bo Xilai est un produit du système où l'insertion dans les rouages de l'Etat (dans le cas de Bo Xilai, à un haut niveau) est un moyen de faire des affaires, de détourner des fonds, de se constituer une clientèle, et ce en toute impunité quand sa position dans le parti fait que l'on a la main sur les services de police. Bref, elle plaide pour « diminuer les ingérences de l'administration dans la vie économique » et, ce faisant, elle glisse une phrase d'une grande ingénuité : « Dans un environnement normal, la réussite d'un chef d'entreprise est dictée par le marché. ».
Or l'histoire nous prouve l'inverse : c'est la proximité d'avec le pouvoir en place qui permet à un entrepreneur de faire son beurre. Car le marché ne flotte pas dans les airs, hors du temps et des turpitudes : il est façonné/construit par les rapports de forces politiques et sociaux. Que les Etats-nations soient autoritaires ou démocratiques, cela ne change rien à la donne. Les magnats américains de l'industrie au 19e siècle n'étaient pas appelés pour rien les « barons voleurs ». Les oligarques russes ou ukrainiens doivent tout, aussi bien la gloire que la déchéance, à leur proximité avec le pouvoir. Que serait l'Empire africain de Bolloré sans la bienveillance du gouvernement français ? Et l'on sait bien aussi que l'entrepreneur moyen d'une ville moyenne a tout intérêt à nouer des relations cordiales avec les élus locaux s'il aspire à emporter quelques marchés publics. Economie et politique ne sont pas deux sphères séparées, étanches, mais deux sphères en complète interaction.