Il y a une décennie, nous apprenions que pour sortir de la pauvreté et du sous-développement, il suffisait de donner aux gens les moyens de se faire auto-entrepreneur. Car en chacun de nous sommeille un self-made man, c'est bien connu.
Main dans la main, grosses ONG et Banque mondiale entendaient ainsi convertir le petit peuple aux joies de la toute petite entreprise. Pour cela, il suffit de lui prêter de l'argent, mais pas beaucoup, et de lui imposer des taux d'intérêt très élevés voire prohibitifs, ce qui les aide à se responsabiliser. Soulignons cependant pour être honnêtes que ces taux d'intérêt demeuraient bien moins élevés que ceux pratiqués par les usuriers locaux. C'est pourquoi le micro-crédit a eu tant d'émules.

L'avantage avec le pauvre, c'est qu'il paie. Le pauvre a pour principal souci de ne pas s'aliéner son créancier car il sait fort bien qu'il dépend de lui pour l'octroi d'un autre prêt ; et s'il n'est pas responsable, il devra prendre un crédit auprès d'un autre créancier avec des taux encore plus élevés. Bref, pour le créancier, le risque est limité : il prête beaucoup de petites sommes à beaucoup de pauvres qui, dans l'immense majorité, remboursent dans les temps, intérêts compris. Mais quand un risque est limité, il attire les convoitises. Il n'a pas donc pas fallu attendre longtemps pour voir les banques s'intéresser de près à ce micro-crédit si rémunérateur. Via des structures spécialisées, elles se mirent donc à prêter, et à prêter à tort et à travers, sans se soucier de la réelle destination de son argent et de la capacité de l'emprunteur à honorer ses dettes dans le futur. Elles se mirent aussi à se faire la guerre entre elles pour capter la clientèle, en proposant des taux d'intérêt plus attractifs, donc moins rémunérateurs pour elles et conséquemment plus risqués en cas de hausse des impayés. Et puis, pour limiter leurs frais de fonctionnement, elles se mirent à délaisser les campagnes, pourtant riche en crêve-la-faim pour se concentrer sur les villes où le secteur informel est plus vivace. Car, voyez-vous, certaines institutions de micro-crédit ou de micro-finance sont cotées en bourse et ont des compte à rendre à leurs actionnaires, des actionnaires qui ne sont pas des philanthropes mais des investisseurs soucieux de s'enrichir ! Ils entendent maximiser leur retour sur investissement et se foutent comme d'une guigne de savoir si le commerce de détail de Mme X ou le pousse-pousse de Mr Z a permis à leur famille respective de sortir de la pauvreté ! Business is business !

Ce qui devait arriver arriva. Comme les pauvres, voyez-vous, empruntent pour se nourrir, payer la scolarité ou la dot des enfants, et pas toujours pour investir dans une petite affaire commerciale, ils se sont retrouvés surendettés. Mécontents, certaines institutions de micro-crédit ont alors confié à des agences de recouvrement ou aux usuriers locaux, leurs concurrents initiaux, le soin de faire pression sur les mauvais payeurs. D'autres institutions ont tout simplement fait faillite. Les Etats en ont conclu qu'il fallait donc réguler, c'est-à-dire mettre un frein à la cupidité des investisseurs.

Et De Villepin dans tout ça ? Jadis, du temps de sa splendeur matignonnesque, il nous inventa le Contrat nouvel embauche et le Contrat Première embauche, des sortes de CDI dont la période d'essai s'étendait sur deux ans et dont la rupture par l'employeur ne dépendait que de son bon vouloir. Aujourd'hui, il se dit révolté par le fait que la France soit, je cite, « humiliée par la loi des marchés qui impose de plus en plus d'austérité ». Je pense que les institutions de micro-crédit devraient soutenir Dominique de Villepin car celui-ci démontre, en tant qu'auto-entrepreneur politique, une grande capacité d'adaptation au marché politicien d'aujourd'hui.