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Avec Paradis fiscaux : la filière canadienne, Alain Deneault ne nous propose pas une histoire du Canada contemporain mais il nous renseigne sur la place prise par le Canada dans le « processus d'offshorisation du monde ».

De La Barbade aux îles Caïmans en passant par les Bahamas, la Jamaïque et les plus underground îles Turques-et-Caïques, entrepreneurs, financiers, politiciens, avocats canadiens ont travaillé ardemment à transformer des îles paradisiaques en… paradis fiscaux, enclaves touristiques de luxe, et « blanchisseries », travaillant main dans la main avec la petite élite locale. Comment ? En « aidant » ces micro-Etats à se doter de lois favorisant le secret bancaire, à proposer aux investisseurs (patron de multinationale comme narcotrafiquant de haut-rang) un environnement fiscal des plus intéressants…

Mais Alain Deneault va plus loin. Il montre à quel point le Canada lui-même est devenu un paradis fiscal. Grâce à une grande inventivité juridique et au nom, of course, de la « compétitivité », certaines provinces canadiennes proposent des taux d'imposition sur les sociétés tout à fait attractifs, autrement dit proche de 0 %. Il nous rappelle que le Canada « est le pays du G8 présentant le taux d'imposition des entreprises le plus bas », soulignant au passage que ce taux a diminué de moitié entre 1981 (37,8%) et 2012 (15%). Plus encore : il est devenu un paradis fiscal pour toutes les compagnies minières, qu'elles aient ou non une activité extractive dans le pays ; quant à Halifax (Nouvelle-Ecosse), elle est devenue La Mecque pour les firmes des Bermudes et autres hedge-funds qui y ont installé leurs services financiers et comptables ! Plus même, nous dit-il, « tout indique que le bureau montréalais du fisc a été infiltré par la mafia et que la corruption gangrène l'Agence du revenu du Canada elle-même. Avec son concours, les entreprises qu'elle contrôle seraient parvenues en toute quiétude à élaborer des tactiques d'évasion fiscale. »

Alain Deneault a bien raison de souligner que la question des paradis fiscaux n'est pas économique, mais politique, puisque ce sont des politiciens qui ont permis qu'émergent ça et là sur le globe ces lieux libérés de la fameuse tyrannie du fisc et des politiques prônant la « justice fiscale ». Il a encore plus raison de souligner que l'indispensable lutte contre ces enclaves et les législations complaisantes qui leur prêtent vie doit se doubler d'une politique active visant à « réhabiliter » l'impôt et à montrer à quoi il doit ou devrait servir si la politique fiscale était mise au service du bien commun.