Pierre Stambul, Contre l’antisémitisme et pour les droits du peuple palestinien, Syllepse, 2021.

Après Charles Piaget évoquant la lutte des Lip, c’est Pierre Stambul qui a été invité par Syllepse à exposer ses convictions sur le conflit israélo-palestinien. « Contre l’antisémitisme et pour les droits du peuple palestinien », tel est le titre de cette brochure, la seconde d’une nouvelle collection appelée Coup pour coup. « Le format est carré comme les idées qui s’y expriment » préviennent les éditeurs. Et en effet ces livres courts (moins de 100 pages) visent à faire le point sur des questions précises, dans un langage clair et sans appareil critique.
Ce n’est pas avec cette contribution courte et incisive que Pierre Stambul se fera des amis dans les milieux sionistes. Mais ce militant de l’Union juive française pour la paix (UJFP) n’en a cure. Il sait par expérience que toute critique du projet sioniste, que toute dénonciation de la politique du régime israélien, seront inévitablement dénoncées par certains comme antisémites ou portées par la haine de soi.


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En quatorze chapitres dont la plupart ne font que quelques pages, et sans approche chronologique, Pierre Stambul inscrit l’antisémitisme populaire ou d’Etat dans le temps long de l’histoire, de la même façon qu’il rappelle que le sionisme est le fruit d’une époque marquée par le développement du nationalisme, l’affirmation des Etats-nations tout autant que des explosions de fureur antisémite qu’illustrent les pogroms en Russie tsariste ou l’affaire Dreyfus. Un sionisme dont il souligne la grande diversité des acteurs qu’ils soient Juifs libéraux comme le fondateur du mouvement, Theodor Herzl, Juifs réactionnaires comme Jabotinsky, mais encore chrétiens évangélistes persuadés que le retour des Juifs en Israël sera le prélude au retour du Christ sur terre ; et que ce retour entraînera la conversion de tous au christianisme. Comme le dit l’auteur, ces fous de Dieu « n’aiment pas les Juifs réels (…). Pour eux, les Juifs qui ne se convertiraient pas doivent disparaître ». Cela lui permet de rappeler que nombre d’« amis d’Israël » sont loin d’être des philosémites ou des judéophiles ; au contraire même, ils étaient et demeurent de fieffés antisémites. Jadis, ils eurent pour noms Arthur Balfour, ancien secrétaire d’État aux affaires étrangères, l’homme de la célèbre Déclaration de novembre 1917, celui du journaliste pamphlétaire Edouard Drumont, auteur de La France juive, best-seller antisémite de la fin du 19e siècle, ou ceux des dirigeants de l’Afrique du sud sous régime d’apartheid avec lesquels l’État d’Israël commerça dans les années 1970. Aujourd’hui, ils incarnent la nouvelle extrême-droite européenne ou états-unienne, celle des Viktor Orban et des partisans de Donald Trump. L’un de leurs points communs est de considérer que le Juif, religieux ou non, est inassimilable.

La brochure se clôt sur une autobiographie de l’auteur, issu d’une famille juive de Bessarabie réfugiée en France avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale et qui s’impliquera dans la Résistance communiste anti-nazie. Attiré à l’adolescence par le sionisme de gauche dont le kibboutz socialiste et égalitaire est l’une des manifestations les plus connues, il rompt en 1968, porté par le vent libertaire de mai, un vent qui lui a ouvert les yeux sur la nature du sionisme et de l’État d’Israël bâti sur l’expulsion des Arabes d’un territoire qui était leur ; un sionisme de plus en plus réactionnaire, de plus en plus religieux.