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L'escroquerie légalisée qu'il pointe du doigt a pour socle les législations de complaisance adoptées par des Etats qui ont permis le développement exponentiel d'un « univers financier et industriel échappant toujours plus à leur contrôle ». Ce sont ainsi des sommes gigantesques qui échappent à l'imposition… pour une part légalement, grâce à l'inventivité des avocats, juristes et autres experts en maximisation/évitement fiscal passés maîtres dans l'art de jouer avec les règles ; un évitement fiscal qui n'est « ni légal ni criminel », insérant « entre le blanc et le noir, toutes les nuances de gris », d'autant plus facilement que « la loi est écrite de manière que tout devienne permis ». Au reste, pour cette caste, il ne s'agit pas de « se demander si un acte est répréhensible par lui-même, mais s'il existe un moyen de l'effectuer en toute légalité quelque part dans le monde ».

Pour l'auteur, les « lois » offshore fabriquent donc de l'alégalité et tout le monde en profite. La vertu n'étant pas cotée en bourse, les entreprises du CAC 40 ont développé des filiales offshore dans des territoires à faible ou nulle imposition ; territoires qui se livrent une concurrence acharnée pour capter une partie du gâteau et sont même prêts à « offrir des exonérations fiscales à des acteurs qui créent de l'emploi dans la filière destinée à aider les entreprises à contourner l'impôt ». Système absurde qui m'a remis en mémoire un passage de La situation des classes laborieuses en Angleterre (1845) de Friedrich Engels. Après avoir fait le procès de la bourgeoisie anglaise, « profondément immorale (…) incurablement pourrie et inté­rieu­rement rongée d'égoïsme », rapace et cupide, Engels écrit ceci : « Un jour je pénétrai dans Manchester avec un de ces bourgeois et discutai avec lui de la construction déplorable, malsaine, de l'état épouvantable des quartiers ouvriers et déclarai n'avoir jamais vu une ville aussi mal bâtie. L'homme m'écouta calmement et au coin de la rue où il me quitta, il déclara : « Et malgré tout, on gagne ici énormément d'argent. » Eh oui, tant qu'il y aura un « malgré tout », rien ne changera...