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Il fut également critiqué par une partie des historiens qui lui reprochait de faire de la propagande plutôt que de l'Histoire. Il fallut attendre la fin des années 1990 pour qu'Howard Zinn sorte de l'anonymat outre-Atlantique. Il le fut grâce aux Editions Agone qui publièrent son œuvre-phare, l'Histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours, une somme imposante et passionnante qui fut vendue à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires ici-bas. Fin 2014, les mêmes éditions Agone ont publié Se révolter si nécessaire, une compilation de ses textes et discours sortis initialement entre 1962 et 2009.

L'ouvrage s'ouvre sur deux textes importants dans lesquels Howard Zinn défend sa conception de l'histoire. Car comme tout historien, il fut controversé mais surtout violemment attaqué par certains de ses pairs qui considéraient qu'un historien se devait d'être neutre, autrement dit objectif, et non militant. Zinn est à cent lieues de cette position. « A moins d'en faire un simple synonyme de l'honnêteté, écrit-il, l'objectivité n'est ni possible ni désirable. » Sans oublier que bien souvent, les historiens qui s'opposent à lui en se disant objectifs sont politiquement conformistes, « psychologiquement plus proches, que nous l'admettions ou non, du bourreau que de la victime. » Zinn est du côté des victimes, des pauvres et des dominés sur lesquels l'histoire « objective » s'est si peu penchée. Zinn veut combattre la bonne conscience nationaliste des Américains pour la majorité desquels l'Oncle Sam agit par bonté d'âme et non pour défendre des intérêts économiques vulgaires. Il veut combattre le mythe de l'Amérique unie et sans classes, rappeler à ses contemporains que la révolte est parfois nécessaire, que le changement social est chose possible, tout en leur rappelant « la tendance des révolutionnaires à dévorer leurs partisans. » Bref, l'histoire doit « ouvrir les esprits » et secouer l'apathie. Et c'est ce que fit Howard Zinn sa vie entière, jusqu'à son dernier souffle puisqu'il décédât sur la route le menant à un meeting politique.

Ouvrir les esprits et secouer l'apathie. Les grands combats menés par Zinn l'activiste ont pour nom la lutte contre l'exploitation économique et la violence étatique et patronale, la lutte contre les guerres (celles d'hier, notamment le Vietnam, celles d'aujourd'hui qui ensanglantent l'Irak ou l'Afghanistan), la lutte contre le racisme à laquelle il prît part aussi bien dans les Etats du sud où il commença sa carrière que dans le nord où il fut obligé de la finir. Indécrottable optimiste, Howard Zinn s'est toujours évertué à faire comprendre aux Américains qu'ils ne tenaient qu'à eux de modifier l'ordre social, que cela n'était qu'affaire de circonstances et de volonté. C'est pourquoi il défend avec force ce que l'on appelle l'action directe, les pratiques de non-violence active et de désobéissance civile et, surtout, une saine méfiance à l'égard des politiciens : « Chaque fois qu'un progrès a eu lieu, écrit-il en conclusion, chaque fois qu'une injustice a été vaincue, c'est parce que les gens se sont comportés comme des citoyens, et non comme des politiciens. Ils ne se sont pas contentés de râler. Ils ont travaillé, ils ont agi, ils se sont organisés et se sont révoltés, si nécessaire, pour faire connaître leur situation aux détenteurs du pouvoir. Et c'est ce que nous devons faire aujourd'hui. » Chiche...

Nouvelle donne, vieilles rengaines (émission n°4, novembre 2015)