Par la grâce de la mondialisation capitaliste, le progrès est parvenu jusqu'à Dacca, la capitale. Capitalisme qui offre aujourd'hui aux prolétaires bangladeshi la possibilité de s'émanciper individuellement. Les mauvais esprits pointeront du doigt les bâtiments des entreprises branlants et surpeuplés, les issues de secours cadenassées, les journées de travail de dix heures, six jours sur sept. Certes tout n'est pas parfait, mais Rome ne s'est pas faite en un jour, et s'il faut passer par cela pour construire un pays moderne, dynamique avec un taux de croissance élevé, le jeu n'en vaut-il pas la chandelle ? Certes tout n'est pas parfait et c'est justement cette imperfection qui permet à des entrepreneurs audacieux (tout entrepreneur l'est par définition) de créer de la richesse et de la partager avec les Bangladeshi. Des Bangladeshi qui, grâce à un régime alimentaire judicieusement peu protéiné et modeste en quantité, sont des collaborateurs parfaits dans le monde hyper-concurrentiel que nous connaissons. Les mauvais esprits signaleront que travailler dix heures par jour pour 3 francs six sous, c'est de la sur-exploitation. Ils oublient que trois francs six sous, ce n'est pas rien : ça fait aujourd'hui dans les 38 $ par mois. C'est pas rien 38 $ ! Donnez ça à un paysan qui cultive le thé, la moutarde ou le riz, il sautera au plafond ! Mais voilà, le drame de l'être humain est qu'il ne parvient jamais à se satisfaire de ce qu'il a. Vous me direz : il est dans la logique libérale des choses que les gens aient l'ambition de s'élever au-dessus de leur condition sociale initiale.
C'est comme cela que le système capitaliste fonctionne. Okay, mais ça, c'est de la théorie ! Dans la réalité, si chacun n'agit pas de façon responsable, c'est le foutoir assuré !

En septembre, des centaines de milliers d'ouvriers du textile bangladeshi sont ainsi descendus dans la rue pour réclamer non pas 5 ou 10 % d'augmentation de salaire, mais carrément plus de 250 % ! Ils ne veulent plus 38 $ par mois mais 100 $ ! Ils exigent, et pour se faire entendre, ils affrontent la police et brûlent leurs usines ! Généreusement, le patronat local leur a proposé 20 % d'augmentation. Espérons que ces prolétaires, trop faiblement éduqués pour comprendre que l'économie a des règles avec lesquelles on ne peut jouer impunément, sauront entendre raison, et retourneront à leur place, derrière l'établi.

Foutus pauvres ! Ils disent qu'avec 40 $/mois, ils sont condamnés à une vie de misère. Ils devraient pourtant s'en contenter car s'ils deviennent trop gourmands, chers amis, les entrepreneurs audacieux (et ils le sont tous, croyez-moi) iront offrir du travail ailleurs ! Qu'auront-ils gagné à avoir voulu se battre pour vivre de leur travail ? Rien, sinon le chômage ! La planète est encore vaste et il reste encore des espaces où l'entrepreneur audacieux (et ils le sont tous croyez-moi) peut encore apporter du travail à des populations qui sauront à n'en pas douter profiter de cette aubaine pour se construire un meilleur destin.



J'entends certains dire que si d'aventure tous les prolétaires se donnaient la main et cessaient ainsi de se faire concurrence les uns les autres, il en serait fini des salaires de misère. Billevesée communiste que cela. Dans le monde d'aujourd'hui régi par l'économie et ses lois, le prolétaire doit apprendre la patience, et faire de nécessité vertu. Travailler ardemment, manger et vivre chichement, mourir enfin, mais dans la dignité que seul le travail apporte. Amen !