Pendant huit mois, des centaines de milliers d'étudiants vont faire grève, marteler le pavé, prendre des coups, avant de pousser une ministre, celle de l'éducation, à la démission, et obtenir en septembre du nouveau gouvernement québécois issu des urnes l'annulation de ce projet.

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Renaud Poirier Saint-Pierre et Philippe Ethier ont été des acteurs de premier plan de ce « printemps érable ». Leur livre « De l'école à la rue », publié par les éditions Ecosociété, ne nous livre pas une histoire de cette lutte de huit mois mais nous entraîne dans les coulisses du mouvement. Les deux auteurs nous racontent comment un tel mouvement a pu voir le jour, comment il s'est organisé, à quoi a-t-il du répondre, de quoi a-t-il du se méfier...

Issus de l'organisation étudiante la plus radicale et forte de ce printemps érable, intimement liée au mouvement altermondialiste et libertaire, les deux auteurs rappellent que cette explosion « spontanée » de colère étudiante est le fruit de deux années de mobilisation active, de travail de sape pour amener les étudiants à délaisser la politique de la concertation prônée par leurs organisations traditionnelles (syndicats) pour la mobilisation. Au groupe activiste qui s'appuie sur une forte homogéniété idéologique, les auteurs préfèrent les mouvements de masse. Mais un mouvement de masse qui s'efforce d'éviter que la base ne serve que d'appui à une élite autoproclamée. D'où la volonté d'associer chaque étudiant gréviste à la gestion concrète de la lutte via des assemblées générales. Dans le manifeste du collectif CLASSE (Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante), on peut lire ceci : « Notre vision, c'est celle d'une démocratie directe sollicitée à chaque instant (…) c'est celle d'une prise en charge permanente de la politique par la population, à la base, comme premier lieu de légitimité politique ».

Nos étudiants défendent l'idée que leur combat doit sortir du cadre universitaire, doit envahir l'espace public, que leurs revendications doivent trouver un écho dans ce que vivent ou ressentent les citoyens. Les étudiants doivent convaincre en argumentant, donc parfaitement maîtriser l'argumentaire de l'adversaire. A la différence des activistes qui refusent d'avance tout rapport avec la presse dite « bourgeoise » ou « aux ordres » etc., nos syndicalistes québecois préfèrent affronter la bête, considérant qu'ils ont plus à y gagner qu'à y perdre. Toucher le maximum de monde via les grands médias en évitant les pièges de la personnalisation et les éternelles questions sur la moralité de certaines pratiques de lutte est un vrai travail que l'on pratique toujours sur la corde raide. Pour eux, « développer une stratégie médiatique efficace tout en respectant les principes de base des organisations militantes nous apparaît comme l'un des prochains défis des mouvements sociaux. » Et comme ils sont bien de leur temps, ils se font les défenseurs d'un usage militant du web et des réseaux sociaux (tweeter et autres facebook).



A l'heure où on se lamente régulièrement sur la faiblesse de l'engagement militant de la jeunesse, sur sa versatilité, cet ouvrage apporte des réponses sous forme de bonnes pratiques et ce, sans sectarisme. Croyez-moi, ce n'est pas si courant...