Ah le beau débat ! A ma droite, il y avait donc Nicolas Sarkozy, le « Monsieur Je » de la politicaillerie française, celui qui est incapable de se rappeler du nom de son Premier ministre ; d'ailleurs, en avait-il vraiment un ? A ma..., enfin, disons plutôt en face, François Hollande, l'outsider, « l'homme normal », né à Neuilly et diplômé de l'ENA. D’ailleurs, vous aurez noté j’imagine que les trois candidats arrivés en tête au premier tour sont tous de Neuilly-sur-Seine, et non de la cité Lénine dans le 93...

Comme nombre d 'entre vous, j'ai suivi avec une grande attention ce duel au sommet... tout en lisant un livre récent sur le lobbying, les relations publiques et la démocratie contemporaine, autant dire sur la façon dont les puissants, politiciens et industriels, tentent de manipuler, pardon, tentent de convaincre les gueux que nous sommes d'accepter le monde tel qu'il est.

Le temps m'a manqué pour décortiquer cet échange de plus de deux heures, mais j'ai noté quelques petites choses qu'il m'a semblé intéressant de relever en passant.

Je ne veux pas parler de l'inévitable et sempiternelle bataille de chiffres sur la chômage ou la dette ; cette guéguerre autour du « chiffre vrai » nous rappelle seulement que le chiffre ne dit rien en lui-même tant que l'on ne connaît pas les éléments qui ont permis de le constituer. Je ne parlerai pas plus des attaques de Nicolas Sarkozy sur la CGT et son soutien à Hollande, sur son rejet de la lutte des classes et son plaidoyer pour un capitalisme souple où patrons et employés discutent et décident ensemble de la meilleur façon de traverser la crise pour « leur » entreprise. Nicolas a été clair : un syndicat n'est pas là pour « faire de la politique » mais pour accompagner les changements. Amen !

Nicolas Sarkozy a prouvé encore qu'il ne connaissait pas vraiment le monde du travail en évoquant les enseignants. Loin de moi l'idée de transformer nos braves hussards noirs de la République en mineurs de fond et en stakhanovistes, mais ne considérer comme temps de travail que le temps passé devant les élèves est proprement hallucinant. Non Nicolas, le professeur ne travaille pas 18 heures par semaine : il lui arrive de préparer des cours, de corriger des copies, de travailler sur des projets pédagogiques divers et variés... De même, Nicolas Sarkozy a prouvé qu'il ne savait pas lire. En écrivant que la « rétention » doit être l'exception, François Hollande n'a absolument pas dit qu'il voulait supprimer les centres de rétention. François est un gestionnaire : les centres, il les garde et plutôt deux fois qu'une ! Et faut pas compter sur lui pour baisser les bras face à l'immigration illégale ! C'est qu'le François, il reprocherait même à Sarkozy de ne pas avoir assez expulsé !

Et quand Sarkozy s’appuie sur la triste expérience des socialistes espagnols au pouvoir pour montrer à quel point le socialisme n’était pas à la hauteur pour vaincre la crise, il oublie tout simplement que Zapatero illustrait à ses yeux il y a peu ce socialisme moderne, non-dogmatique et blairiste qu’il convenait de saluer, tandis que le socialisme à la française demeurait prisonnier de ses vieilles lunes marxistes ! Et quand il fait l’apologie du socialisme allemand, il oublie de préciser que la bonne santé apparente de l’économie allemande s’est payée d’un accroissement phénoménal de la pauvreté outre-Rhin, produit par la « réforme » du système d’assurance-chômage.

Sarkozy a échoué sur toute la ligne parce qu’il est parti d’un postulat complètement obsolète. Il a échoué parce qu’il a vainement tenté de faire passer François Hollande pour ce qu'il n'est pas, c’est-à-dire un socialiste.