Je vous emmène donc en Uruguay, un paradis fiscal, où depuis un septennat le pouvoir est détenu par la gauche, une gauche incarnée aujourd’hui par José Mujica, un ancien Tupamaro, autrement dit un ancien membre d’une guérilla d’extrême gauche qui fit parler d’elle dans les années 1960 et 1970, lorsque la plupart des pays d’Amérique latine était aux mains des militaires et de la CIA. Mujica a connu la prison, la torture avant d’abandonner la voie si difficile de la lutte armée pour celle de la démocratie bourgeoise. Depuis 2009, l’ex-guerillero, fleuriste de profession, est devenu président de la République de ce petit Etat d’Amérique du sud, peuplé de 4 millions d’habitants.

Après sept années de gestion « de gauche » du pays, il est bon de savoir si, au quotidien, la vie des Uruguayens a changé. La réponse est mitigée.
Concernant l’agriculture, en une décennie, les multinationales du papier ou du soja ont mis la main sur 15% de la superficie agricole du pays, et ce processus d’accaparement s’est accompagné d’une flambée des prix : autrement dit, l’accès à la terre est devenu quasi impossible pour le paysan uruguayen. Côté industrie, l’Uruguay attire également les convoitises les convoitises des multinationales puisque son sol regorge de fer. Or l’extraction du fer et son exportation ne va pas sans créer des tensions multiples entre le pouvoir et ceux qui l’accusent de brader les richesses naturelles du pays ou ceux qui pâtissent concrètement des travaux afférents à cette activité.
Bref, les optimistes diront que l’Uruguay est sur la voie du développement, d’autres souligneront que le pays se met sous la coupe des multinationales puisque les secteurs les plus dynamiques de son économie sont portés par des groupes non-nationaux.

Mais le plus intéressant est l’offensive lancée par le pouvoir contre les pauvres. Au nom de la lutte contre l’insécurité urbaine et le trafic de drogue, on en vient même à vouloir prohiber la mendicité, arguant que des politiques sociales existent pour soulager la misère et qu’en conséquence faire appel à la charité privée est devenue inutile. Cette politique de pénalisation de la pauvreté n’a qu’un seul but : rassurer la majorité de la population, autrement dit les classes moyennes, celles qui votent et entendent jouir des bienfaits de la société de consommation sans être ennuyées par les pauvres et leurs incivilités chroniques. Des pauvres incapables de faire les efforts nécessaires pour sortir de la pauvreté. Des mauvais pauvres, en somme, pas assez méritants et reconnaissants, incapables de faire là où on leur dit de faire. Des pauvres qui ne font plus peur, malheureusement pour eux.