L’Allemagne, avec sa croissance, ses exportations, son industrie tournée sur le haut-de-gamme, fait des envieux. Elle a réussi là où d’autres ont échoué. Mais réussi quoi ? A mieux résister à la mondialisation, pardi ! Et comment a-t-elle fait ? En imposant à ses citoyens une terrible politique d’austérité. Car la puissance allemande a un revers : la précarité.
En 2011, un Allemand sur sept vit dans la pauvreté, et le nombre de pauvres, est passé de 8 à 11,5 millions de personnes en l’espace d’une dizaine d’années. C’est sans doute cela le prix à payer pour être compétitif !

Revenons à l’année 2003. L’Allemagne était alors entre les mains des socio-démocrates de Gerhard Schröder. Schröder a un objectif : remettre au travail les chômeurs allemands, autrement dit imposer des dispositifs contraignants pour les pousser à accepter n’importe quel travail, que celui-ci corresponde ou non à leur qualification, que celui-ci soit à 10 ou 500 kilomètres de leur domicile, que celui-ci ne propose qu’un salaire indécent. En Allemagne, plus de deux millions de travailleurs triment pour moins de 5 € de l’heure. Déqualification et mobilité, telles sont les voies de la réussite économique ! Et si d’aventure le chômeur se montre récalcitrant, on lui coupe l’essentiel des vivres. Quand on est chômeur et qu’on coûte cher à la communauté nationale, il faut mettre ses exigences dans un mouchoir et le glisser au fond de sa poche, comme sa dignité. A cette disciplinarisation des chômeurs s’est ajoutée une cure d’austérité dans les dépenses d’Etat : baisse du nombre de fonctionnaires et de l’investissement public.

Les élites politiques et économiques allemandes regardent avec un certain mépris leurs collègues européens. Ils sont persuadés que si eux sont parvenus à faire avaler la potion amère à leur population, tout le monde peut y parvenir. Tout cela n’est qu’une affaire de volonté politique. C’est pourquoi elles refusent que la Banque centrale européenne endosse le rôle de prêteur en dernier ressort aux Etats endettés comme la Grèce ou l’Italie, préférant laisser ceux-ci se débattre avec les investisseurs internationaux et les spéculateurs. C’est pourquoi elles veulent inscrire dans le marbre européen la fameuse règle d’or, imposant aux Etats un retour progressif à l’équilibre budgétaire, ce qui va se traduire par une bonne dose d’austérité et des coupes encore plus sévères dans les budgets sociaux. Et tout ça bien sûr pour « sauver le modèle social européen »… Car sans idéal transcendant, accepterions-nous de marcher au pas ?