En fait, la seule chose qui me réconforte est de savoir que les « meilleurs économistes et analystes » eux-mêmes n'y comprennent pas grand chose. Quand je dis « meilleurs », je parle évidemment de ceux qui squattent les plateaux télé. La crise ? Rien que le mot les faisait se tordre de rire ! Et puis, la crise, celle des subprimes, est arrivée, et ils se sont tus, un temps. Il faut savoir se faire discret, parfois.

Lors de la dernière campagne électorale, celui qui allait devenir le président de notre République s'était fait l'ardent défenseur de l'endettement des ménages. S'endetter était la preuve qu'on avait confiance dans l'avenir. Et puis les marchandises sont faites pour être achetées, avalées, déféquées ! N'est-ce pas pour cela que l'on trime chaque jour ? N'est-ce pas pour cela qu'on a inventé les soldes d'été, les soldes d'hiver, les soldes de printemps voire les soldes d'automne et les hard-discount ?
Nicolas Sarkozy, l'ami des amis de Monsieur Takieddine, avait raison. Ou plutôt, les chiffres lui donnaient raison. Alors qu'en 2007, en France, le taux d'endettement en pourcentage du revenu disponible se montait à 70%, il était aux Etats-Unis de 138%, en Irlande de 176%, au Royaume-Uni de 145% et en Espagne de 115%. Concrètement, dans la France de 2007, le citoyen lambda ne vivait pas suffisamment au-dessus de ses moyens. Tel un gagne-petit au pardessus élimé, telle la fourmi de la fable, le citoyen lambda de l'hexagone épargnait. Certes, le taux d'endettement en pourcentage du revenu disponible étant passé en quatre années de 56% à 70%, nous pouvons considérer que nous étions alors sur la bonne voie, la libérale ; mais cela était-il de nature à rassurer les secteurs recherche et développement des usines à rêves consuméristes ? Non, assurément pas.

Il nous faut consommer de tout et du n'importe quoi, de l'essentiel et du futile, pour vivre tout simplement ou rester dans le vent. Dans le passé, les bourgeois faisaient l'éloge de l'épargne. Sou après sou, le salarié se constituait un petit capital susceptible de lui permettre, à moyen ou long terme, de devenir propriétaire, de se meubler, du toucher du doigt la modernité. Ce temps-là est révolu. Il n'est plus question d'attendre, il nous faut jouir sans entraves : le crédit à la consommation est là pour satisfaire nos besoins, voire notre désir d'ascension sociale individuelle. Il nous tend les bras pour mieux nous enserrer. Le crédit s'est démocratisé, devenant même une fin en soi pour le système bancaire. Quand tous les voyants sont au vert, que le chômage est résiduel et que les luttes sociales permettent une amélioration régulière des salaires, la joie règne dans les foyers et dans les bureaux feutrés des banques et sociétés de crédit. Car le banquier s'étiole quand l'argent dort sur les comptes en banque. Mais quand survient la crise, alors le collet se resserre autour du cou des cigales endettées soudainement mises dans l'impossibilité d'honorer leur dettes. Aux Etats-Unis comme ailleurs, la pression sur les salaires est devenue l'indispensable compagnon du crédit à la consommation. Ce que le salaire ne permet plus de s'offrir, le crédit, lui, le permet.

Il n'est plus question d'attendre, disais-je. Je me dois d'ajouter qu'il n'est même plus possible d'attendre. Le crédit, hypothécaire et revolving, est devenu une condition de la survie pour nombre d'entre nous. Si l'amour est dans le prêt, il n'est pas dans le crédit.