AVANT-PROPOS
Le Monde comme il va est une émission de radio que j'anime depuis janvier 1999 sur Alternantes FM , radio libre (autant que faire se peut !) et toujours sans pub, qui émet sur la Loire-Atlantique depuis la seconde moitié des années 1980. C’est un magazine consacré à l'actualité politique et sociale, nationale et internationale. Il se veut critique, anti-capitaliste et d'inspiration anarcho-communiste, avec une pointe de méchanceté et (pas trop) de mauvaise foi.
Grand lecteur devant l'Éternel (choisissez celui qui vous convient), l'émission propose également des notes de lecture. Ces notes et in-terventions radiophoniques peuvent à l'occasion se retrouver sous une forme abrégée ou non dans différents canards, célèbres ou plus confi-dentiels : Le Monde diplomatique, Gavroche (excellente revue d'histoire populaire), Courant alternatif (mensuel de l'Organisation communiste libertaire), Offensive (revue trimestrielle du groupe Offensive libertaire et sociale), Emancipation (mensuel de l'Ecole émancipée), À contre-temps (revue bibliographique de belle tenue), Ni patrie ni frontières (compilation de textes, anciens ou inédits, voire pour la première fois traduits en français)...

UN PEU D'HISTOIRE
Fin 1998, le groupe militant (enfin, ce qu'il en restait) qui animait Le Local à Nantes décide de mettre la clef sous la porte à l'expiration prochaine du bail. L'aventure, entamée au printemps 1993, va donc se clore au printemps 1999.
Le Local se pensait à l'origine comme un lieu et un espace : un lieu physique ouvert au public deux soirs par semaine, proposant conférences (et bières), spectacles (et bières), ciné-club (et bières) et bouffe (et vin) ; un espace politique que pourraient investir dans la joie, la bonne humeur et le respect mutuel les militants libertaires et révolutionnaires de la ville de Nantes. Fut-ce une réussite ? En termes de présence libertaire sur la ville, oui : Le Local, comme lieu, fut durant son existence incontournable, et je doute qu'un autre courant politique puisse se targuer d'avoir fait preuve d'autant d'activisme (au sens non-péjoratif du terme), d'avoir proposé autant de débats durant cette période. Comme espace politique radical et pluraliste, il en alla autrement car comme tout « groupe » militant soumis aux aléas de la lutte des classes, il ne fut pas épargné par les querelles idéologiques et les conflits personnels.
Bref, pressentant que la fin du Local signerait également la fin d'une époque, je renoue avec une vieille passion : la radio. Ce média ne m'était pas étranger car de 1988 à 1990 (si ma mémoire est bonne) j'avais animé avec des militants de la Fédération anarchiste (dont j'étais membre) puis de l'OCL le Magazine libertaire, émission hebdomadaire sans Dieu ni plus de maître sur Alternantes FM ; et tout au long de la décennie 1990, j'avais gardé un lien étroit avec les salariés de la radio qui « m'embauchaient » à l'occasion d'émissions spéciales touchant à la question sociale et à l'histoire du mouvement ouvrier.
Pour m'épauler dans cette aventure, j'ai pu compter sur quelques camarades auxquels je « sous-louais » une ou deux émissions par mois. Merci donc à l'équipe nazairienne des Petits mutins du Grand Soir, à Olivier et Dame Véro, spécialiste es-Travail social. Ils m'ont permis de « souffler », d'autant que ma passion pour la musique de chambre froide m'a amené rapidement à animer une seconde émission hebdomadaire, Lo spirito continua, dédiée à l'anarcho-punk, au crust, au hardcore, au punk-rock, à l'emoviolence, au thrash, etc. (la liste pouvant être extrêmement longue et absconse pour les non-initiés, je m'arrête là), bref à toutes ces musiques plus bruyantes qu'élégantes qui égaillent mes esgourdes depuis près de trente ans et désolent mes proches !

ÉDUCATION POPULAIRE ?
Profondément marqué par la déconfiture de la CGT en 1914, Pierre Monatte, militant ouvrier de renom, écrivait ceci : « Quand je regarde en arrière, elle m'apparaît invraisemblablement grande, cette paresse d'esprit. Ne m'a-t-il pas fallu les loisirs de la tranchée pour lire certains livres que je gardais depuis vingt ans à portée de ma main ? Je n'avais pas trouvé le temps, la force, la sagesse de les lire, de m'en nourrir. Et pourtant j'étais de ceux qui lisaient le plus. Mais nous étions des esprits dispersés, gaspilleurs de notre attention et de nos forces (...) Le profond besoin d'apprendre, de former et nourrir sa pensée n'était plus ressenti. » Tel était (toute proportion gardée !) mon état d'esprit en cette foutue année 1999.
Certainement fatigué par un activisme à tout crin, insatisfait par le verbalisme révolutionnaire régnant ça et là, usé par les pisse-froid, soupe-au-lait et autres dilettantes nombrilistes qui squattent allègrement le « milieu » militant, je me suis convaincu qu'il valait mieux parler du monde tel qu'il va à un auditeur lambda plutôt que de continuer à perdre mon temps à me battre pour fédérer des énergies qui n'en avaient guère envie...

J'ai donc fait (et je continue à faire) de l'éducation populaire à ma façon : faire partager des idées, des façons de voir ou plutôt d'appréhender les tumultes du monde en étant le plus « pédagogique » possible, et ce à partir d'une grille de lecture qui, avec le temps, doit certainement autant à l'anarchisme social (Michel Bakounine, Louis Mercier-Vega, Pierre Kropotkine, Camillo Berneri, Errico Malatesta) qu'à un certain « marxisme » (celui de Marx of course, mais aussi Antonio Gramsci, Nicos Poulantzas, Anton Pannekœk, Rosa Luxemburg, Louis Janover, Maximilien Rubel), sans oublier quelques penseurs difficilement étiquetables (Pierre Bourdieu, Michel Foucault, Georges Sorel, Jan Waclav Makhaiski, Jean-François Bayart, Noam Chomsky, Jacques Rancière, Cornélius Castoriadis, André Gorz).

Cet éclectisme, je le revendique. Je ne suis qu'un « amant passionné de la culture de soi-même », pour reprendre la belle expression de Fernand Pelloutier, qui considère, comme Berneri, qu'il nous faut élaborer « un anarchisme critique qui ne se contente pas des vérités acquises, des formules simplistes, un anarchisme qui soit à la fois idéaliste et en même temps réaliste, bref un anarchisme qui greffe des vérités nouvelles sur le tronc des vérités fondamentales, tout en sachant tailler ses vieilles branches ». Mais comme je ne suis ni un penseur ni un théoricien , vous ne trouverez pas dans la centaine de textes composant cette anthologie de quoi satisfaire au vœu de Camillo Berneri, seulement les réflexions souvent écrites « à chaud » d'un pauvre bougre qui essaie de comprendre le monde tel qu'il va. Réflexions pertinentes ? A vous de juger !

THE SHOW MUST GO ON !
Et maintenant ? L'aventure continue pour Le Monde comme il va, session 2010-2011. Aspirant légitimement à souffler quelque peu, j'ai transformé le magazine en chronique hebdomadaire, diffusé tous les jeudis soirs et les vendredis matins. Chronique également disponible via mon blog Tous les textes présentés ici, ainsi que ceux disponibles sur le blog sont bien évidemment copyleft : prenez-les, agrémentez-les à votre sauce, servez-vous en pour vos tracts/canards militants/émissions de radio. Vous pouvez même vous passer d'en indiquer la source. A bas la propriété, même intellectuelle !
La publication de cette anthologie est ma façon de remercier les militant(e)s qui font vivre les radios associatives contre vents et marées, les auditeurs et auditrices qui m'écoutent et me lisent depuis dix ans et me font part parfois de leurs sentiments, et d'honorer le livre-papier qui demeure pour moi le média essentiel pour alimenter sa cogiteuse et se forger un esprit critique.
Je remercie Yves Coleman d'accueillir ce travail dans le cadre de Ni Patrie, ni frontières. Nous nous connaissons peu, mais suffisamment cependant pour savoir qu'une chose nous réunit : l'ouverture d'esprit (critique). Je remercie enfin, inévitablement et avec beaucoup d'affection, celui qui m'accompagne depuis 1999 sans barguigner. Grand merci à toi, Nacer, d'assurer la réalisation technique du Monde comme il va et de nous gratifier à l'occasion de tes remarques caustiques sur les grands de ce monde !

Patsy
Note : je me suis permis de retoucher les textes de cette anthologie pour en gommer le style souvent trop radiophonique. J'y ai ajouté de nombreuses références bibliographiques dont certaines ont dû me servir à l'époque lors de l'élaboration des dits textes.