Bon il y a ce 2-0 calamiteux de l'équipe de France face au Mexique. Des petits hommes verts enjouées et virevoltants ont donné la leçon à 11 bleus complètement absents, sans vie et sans âme. Et dire que dans l'imagerie populaire, le Mexicain est un éternel somnolent à sombrero... Mais d'un certain côté, je les comprends les joueurs français. A la fin du match, tandis que Domenech s'avouait abasourdi, incapable de faire une phrase avec du contenu, la ministre de la santé et des sports a déclaré, en gros ; « Il est du devoir d'un ministre d'être présent dans les moments de joie et dans les moments de peine. » Imaginez un peu les joueurs dans ces conditions : qu'ils perdent ou qu'ils gagnent, ils savent qu'ils vont devoir se fader Roselyne Bachelot. Une Roselyne qui voulait il y a quelques mois piquer tout le monde pour sauver ce tout le monde d'une fantômatique grippe A, de type H1N1 « par ici la monnaie ».

A peine les amateurs de la baballe s'étaient-ils remis de cette déconfiture qu'ils apprenaient le décès d'un nonagénaire célèbre : le général Bigeard. Bigeard, figure de la Résistance au nazisme et de la répression du nationalisme algérien. Bigeard incarnation du génie militaire français et de la pensée réactionnaire. Bigeard dont les cendres, ai-je lu, seront dispersés sur Dien-Bien-Phu, ce qui, avouons-le, aura moins d'incidence que les flots de napalm et d'agent orange que le Monde libre y a déversé dans son combat contre le communisme. Sur France-Info, une journaliste fort audacieuse a même lâché que Général Bigeard était « une figure de la décolonisation ». C'est pas drôle, ça ? Transformer cette vieille baderne militariste, soupçonné d'avoir torturé des fellaghas en « figure de la décolonisation », faut le faire ! Et pourquoi pas Adolf Hitler en « figure de l'antifascisme » pendant qu'on y est ?

Et puis il y a eu le fameux, élégant et racé : « Va te faire empapaouter, fils indigne de péripapéticienne » qu'une certaine presse s'est empressée de relayer illico presto. Certains la critiquent en disant qu'elle n'aurait pas dû étaler de tels propos orduriers en première page de son édition. Mais cet épisode traduit bien les pressions pesant sur les patrons de presse d'une manière générale. Concurrencée par l'internet et la presse de caniveaux, la presse « historique » a conscience qu'elle doit se renouveler. Et dans notre monde, « se renouveler » signifie « créer du buzz » autour d'une info. Le journal L'Equipe aurait pu titrer : « Altercation entre Anelka et Domenech à la mi-temps du match Mexique-France ». Mais ça, c'est de l'information. En titrant « Va te faire blablabla, sale fils de blablabla », elle attire l'oeil du chaland qui passe ; un chaland qui se dit, en plongeant la main dans son portefeuille : « Damned, est-ce allé plus loin qu'un flot d'injures ? » Et plus les jours passent, plus l'affaire devient nébuleuse. « Il » n'aurait pas dit ces mots-là. « Il » les aurait marmonnés plutôt que lâcher fortement à la face du sélectionneur. Mais le mal est fait. Sur les blogs, certains se lâchent. Si l'équipe de France va si mal, c'est parce qu'elle a confié son sort à des Noirs et à des Arabes incultes, vulgaires et arrogants, des sauvageons à casquette qui se la jouent caïds de banlieue avec leur pognon, des terreurs de bac-à-sable issus de l'immigration qui ont eu la peau de Yoann Gourcuff, incarnation du Français blanc bien de chez nous, bien élevé, gentil, sympa. Comme le disait un journaliste de France Info : « Gourcuff, c'est le premier de la classe dans une classe de ZEP ». Bin voyons ! C'est avec des discours de ce genre que l'on justifie les ghettos éducatifs, la liquidation de la carte scolaire !

Racisme et mépris de classe se conjuguent. Décidément, pour certains, on ne peut faire confiance aux « nègres et aux bougnoules » : s'ils nous font rêver un jour, c'est pour nous faire pleurer le lendemain ! Et puis, regardez comment ils s'expriment : incapables de faire une phrase correcte !

Et je passe bien sûr sur les derniers épisodes de cette comédie à l'italienne version mille fromages : la révolte des joueurs, un dernier match chaotique etc etc.
Mais le plus drôle (ou navrant) dans cette histoire, c'est que l'on en a fait une affaire d'Etat. Certains journalistes sont même allés jusqu'à demander son sentiment à Notre président, Nicolas « Cass'toi pov' con » Sarkozy, en voyage officiel en Russie. Oui, nous tombons de plus en plus bas, et plus nous tombons, plus nous nous apercevons que c'est dans un puits sans fond que nous tombons.

Heureusement, dans tout ce foutoir, un rayon de soleil est apparu. Dominique Gallouzeau de Villepin is not dead. Le sémillant ex-Premier ministre vient de lancer son mouvement politique dans l'espoir de concurrencer à droite « Cass'toi pov' con » Sarkozy. Son mouvement s'appelle « République solidaire ». La solidarité, c'est son truc. Rappelez-vous, afin d'aider les jeunes à conquérir leur place dans le monde du travail, il avait lancé sur le marché de l'exploitation capitaliste le CPE. Un contrat de premier embauche à durée indéterminée mais assorti d'une « période de consolidation » de deux ans durant laquelle l'employeur pouvait rompre le contrat de travail sans en donner le motif. Cela en dit long sur l'idée qu'il se fait de la solidarité.

Mais tout ce foutoir médiatique et tragico-comique ne doit pas nous faire oublier la vraie raison de l'altercation entre Nicolas Anelka et Raymond Domenech. Selon nos sources (et celles-ci, croyez-moi, sont des plus fiables), Nicolas Anelka aurait réagi avec violence en apprenant qu'il devrait jouer deux ans de plus avant-centre avant de pouvoir prendre sa retraite. Et ça ce n'est acceptable pour personne...